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Redevances pour pollution de l’eau : le juge de l’impôt ne peut substituer d'office un autre fondement à l’imposition

Environnement & qualité - Environnement
Public - Environnement
31/01/2023
Dans un arrêt du 25 janvier 2023, le Conseil d’État rappelle qu’« il n'appartient pas au juge de l'impôt, lorsqu'il n'y a pas été invité par l'administration défenderesse au cours de l'instance, de substituer d'office au fondement de l'imposition contestée un autre fondement justifiant son maintien ». Toutefois, tenant compte du droit pour l’administration de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée par elle pour justifier le bien-fondé d'une imposition à tout moment de la procédure contentieuse, la Haute juridiction, réglant l’affaire au fond, maintient les impositions litigieuses.
Par deux titres exécutoires en date des 13 et 14 août 2014, l'agence de l'eau Seine-Normandie a mis à la charge de la société Boréalis Chimie la somme de 481 763,20 euros au titre de la redevance pour pollution d'origine domestique pour les années 2011 et 2012 et des intérêts de retard et pénalités. Pour ce faire, elle a fait application de la procédure de taxation d’office prévue à l’article L. 213-11-6 du code de l’environnement.
Par un jugement du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé à la société la restitution de ces redevances au motif qu'elles ont été établies à l'issue d'une procédure de redressement irrégulière.
La cour administrative d'appel de Versailles a prononcé l’annulation de ce jugement dans un arrêt du 22 septembre 2020 et a ainsi remis à la charge de la société lesdites redevances. La société Boréalis Chimie a donc saisi le Conseil d’État. L'agence de l'eau, par la voie du pourvoi incident, demande, pour sa part, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a statué sur les majorations et intérêts de retard.

Pour la détermination de l’assiette des redevances, la société Boréalis Chimie n'avait pas mis en œuvre de dispositif agréé de suivi régulier des rejets des substances polluantes inhérents à son activité, mentionné au IV de l’article L. 213-10-2 du code de l’environnement. Elle a néanmoins adressé à l'agence de l'eau Seine-Normandie, dans les délais impartis, les déclarations visées par les dispositions des articles L. 213-11 et R. 213-48-8 du code de l'environnement en vue de la détermination de l'assiette de la redevance pour pollution d'origine non domestique au titre des années 2011 et 2012 suivant la méthode indirecte prévue au deuxième alinéa du II de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement. Par conséquent, elle ne pouvait faire l’objet de la procédure de taxation d’office prévue par l’article L. 213-11-6 du code de l'environnement pour les personnes assujetties à la redevance pour pollution d'origine non domestique n'ayant pas fourni la déclaration des éléments nécessaires à son calcul à la date fixée à l'article L. 213-11.

Dans son arrêt, la cour administrative d’appel considère que l’agence de l’eau Seine Normandie s’est fondée sur les informations déclarées par la société pour déterminer l’assiette des redevances dues conformément à l'article R. 213-48-7 du code de l'environnement et qu’ainsi le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de taxation d'office était inopérant. Or ce faisant, dès lors qu'elle n'avait pas été invitée à le faire par l'agence de l'eau, elle a procédé à une substitution de base légale non conforme conduisant à l’annulation de sa décision par le Conseil d’État.

À tout le moins, devant le Conseil d’État, l’agence de l’eau a demandé cette substitution de base légale à celle qui avait été primitivement invoquée, à savoir la taxation d'office, afin que les redevances litigieuses puissent être maintenues sur le fondement de la méthode indirecte prévue au deuxième alinéa du II de l'article L. 213-10-2 du code de l’environnement, à partir des informations qui ont été communiquées par la société, conformément à l'article R. 213-48-7 du code de l'environnement. Réglant l’affaire au fond, la Haute juridiction fait droit à la demande de l’administration, qui peut intervenir à tout moment de la procédure dès lors que cette substitution peut être faite sans méconnaître les règles de la procédure d'imposition.
« Du fait de la substitution de base légale, les moyens relatifs aux impositions litigieuses soulevés par la société Boréalis Chimie devant le tribunal administratif ne peuvent qu'être écartés comme inopérants. Il résulte de ce qui précède que l'agence de l'eau Seine-Normandie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la restitution à la société Boréalis Chimie de la redevance pour pollution d'origine non domestique au titre des années 2011 et 2012. »
Si la procédure était irrégulière, l’imposition était bien légale. Par conséquent, les redevances pour pollution de l'eau d'origine non domestique mises à la charge de la société Boréalis Chimie au titre des années 2011 et 2012 sont remises à sa charge.

Par ailleurs, cette dernière n'entrant pas dans le champ des dispositions des articles L. 213-11-7 du code de l'environnement et 1728 du code général des impôts, visant notamment les cas de taxation d’office, le pourvoi incident de l'agence de l'eau Seine-Normandie sur les intérêts de retard et majorations est rejeté.
Source : Actualités du droit