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Création d’un bassin d’aviron dans une réserve naturelle : atteinte excessive à l’environnement

Public - Environnement
Environnement & qualité - Environnement
07/11/2018
Dans une décision rendue le 23 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Lyon met en balance les intérêts écologiques face aux intérêts touristiques et sportifs de la création d’un bassin d’aviron dans une réserve naturelle.
La coupe du monde d’aviron de 2014 et les championnats du monde d'aviron de 2015 ont eu lieu sur le lac d’Aiguebelette, en Savoie, accueillant à cette occasion les sportifs de cette discipline ainsi que des touristes venus du monde entier. Pour ces événements, avait été aménagé un bassin d’aviron sur ledit lac, qui est situé dans une réserve naturelle régionale. Plusieurs associations de protection de l’environnement ont demandé l’annulation des arrêtés et délibérations qui avaient autorisé les divers aménagements du bassin.

Le tribunal administratif avait fait droit à leurs demandes, en ordonnant la remise en état du site et la suppression des aménagements réalisés dans le périmètre de la réserve naturelle, à savoir sur et dans les eaux du lac. Le département de la Savoie forme un appel devant la cour administrative d’appel de Lyon.

Raisons impératives d’intérêt public majeur ?

Dans sa décision, la cour opère un rappel sur les dispositions applicables : le I de l’article L. 411-1 du Code de l’environnement interdit, notamment, « la destruction, l’altération ou la dégradation » des espèces protégées. Toutefois, des dérogations à ces interdictions peuvent être délivrées, conformément au I, 4° de l’article L. 411-2 du même code, notamment lorsque celles-ci sont prises « pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique ». La cour rappelle que seules ces raisons impératives d’intérêt public majeur pourraient justifier des aménagements tel que ceux construits en l’espèce.

La question se pose donc de savoir si le double intérêt sportif et touristique des aménagements sportifs constitue une raison impérative d’intérêt public majeur justifiant leur mise en place au sein même d’une réserve naturelle.

La cour administrative d’appel répond par la négative. Elle juge en effet que la promotion de la pratique de l'aviron sur le lac d'Aiguebelette, contribuant ainsi à son attractivité touristique, « ne peut être regardée comme constituant une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) de l'article L. 411-2 du Code de l’environnement ».

Pas de destruction des aménagements

Toutefois, effectuant une mise en balance des intérêts en présence, la cour juge que « la suppression des aménagements réalisés dans le périmètre de la réserve naturelle (…) est de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général ». En effet, il résulte des éléments du dossier, que, d’une part, les opérations de retrait et démontage des aménagements « sont des opérations techniques lourdes » susceptibles d'emporter des modifications du lac et comportent « des risques sanitaires sur la qualité de l'eau potable distribuée dans le secteur et sur la faune et la flore ». D’autre part, le maintien des aménagements dans le périmètre de la réserve naturelle n’est pas susceptible d'emporter des conséquences négatives sur l'environnement, et leur retrait n’aurait au contraire aucun impact positif.

Malgré le fait que les aménagements, qui ne répondent pas au critère de « raisons impératives d’intérêt public majeur », n’auraient pas dû être construits, leur suppression, telle qu’ordonnée par le tribunal administratif, est annulée par la cour administrative d’appel.
Source : Actualités du droit