Retour aux articles

Une première en France : l’État devant la justice pour son inaction face au changement climatique

Public - Environnement
Environnement & qualité - Environnement
25/01/2019
Pour la première fois en France, un recours en justice a été déposé contre l’État pour son inaction face au changement climatique, ce mercredi 23 janvier 2019.  Cette action a été initiée par Damien Carême, maire EELV de Grande-Synthe (Nord), qui tente de protéger sa commune face à la montée des eaux menaçant le littoral nordique.
Le maire, qui estime que l’État « ne fait pas suffisamment en matière de lutte contre le changement climatique », avait déjà déposé le 19 novembre dernier plusieurs recours gracieux pour « non-respect de ses engagements climatiques » par l’État. Confronté au silence de ce dernier, il a déposé un recours directement devant le Conseil d’État. L’objectif : « obtenir des juges des injonctions contre l'impuissance, l'inaction ou l'action insuffisante de l'État ». Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement, représente la commune dans ce procès.

Cette saisine fait écho à "l’affaire du siècle", ainsi que l’ont surnommée les quatre ONG qui l’ont initiée : en décembre 2018, la Fondation pour la Nature et l'Homme, Greenpeace France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France avaient en effet lancé une pétition visant à soutenir l’action en justice qu’ils souhaitent intenter contre l’État devant le tribunal administratif. Cette pétition a atteint aujourd’hui plus deux millions de signatures, faisant d’elle la pétition en ligne la plus signée de France, preuve de la volonté des citoyens de « faire reconnaître par le juge l’obligation de l’État d’agir pour limiter le réchauffement planétaire (…), afin de protéger les Français.es face aux risques induits par les changements climatiques ».

Des chances de succès ?

Cette action en responsabilité de l’État est une première en France et marque un tournant dans la judiciarisation des problèmes environnementaux, mais cette première nationale n’est toutefois pas une première mondiale.

Déjà en 2015 aux Pays-Bas, une première affaire avait marqué les esprits, lorsque l’ONG Urgenda, accompagnée de neuf cents citoyens, avait saisi un tribunal néerlandais pour non-respect par les Pays-Bas de ses engagements dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Ce procès s’était traduit par une condamnation de l’État, assortie d’une injonction de réduire ses émissions dans le pays de 25 % (sur la base des émissions relevées en 1990) d’ici à 2020. Le jugement avait été confirmé en appel en octobre 2018. Une affaire toujours en cours, puisque le gouvernement néerlandais a annoncé en novembre dernier son intention de contester la décision de la cour d’appel de la Haye par un nouveau recours.

Cette décision était fondée sur les engagements pris par les Pays-Bas de réduire ses émissions polluantes, notamment à l’occasion de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). La France, elle aussi, s’était engagée en signant cette convention, engagement renouvelé avec l’Accord de Paris, signé en 2016. Ce sont ces dispositions dont se prévaut Damien Carême aujourd’hui pour fonder son action : pour lui, l’État « (ne tient pas) ses engagements à l'échelle nationale et ne respecte pas le droit européen et français, ni ses engagements pris dans le cadre de l'accord international de Paris ».

Pour Corinne Lepage, « il n'y a aucune raison pour que le Conseil d’État français fasse une autre interprétation des textes que celle que la cour d'appel de La Haye a faite ».

Reste à voir si le Conseil d’État suivra le même raisonnement et condamnera à son tour la France.
Source : Actualités du droit