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PLF 2020 et environnement : le compte est bon ?

Environnement & qualité - Environnement
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10/10/2019
Déjà l’objet de plusieurs critiques de la part d’industriels et d’associations, l’examen du projet de loi de finances 2020 par la commission des finances de l’Assemblée nationale a commencé ce 9 octobre. La ministre, Elisabeth Borne, assure que le budget est « en cohérence avec la priorité donnée à l’action écologique ». Retours et analyses de quelques mesures phares du projet en matière d’environnement…
Un accent fort mis sur le transport

Que ce soit pour l’usage particulier ou bien pour les infrastructures, le projet de loi de finances a prévu de nombreuses dispositions afin de  « verdir » les déplacements sur le territoire.
Tout d’abord, la prime à la conversion, déjà victime de son succès en 2019, est maintenue mais réduite. Pour rappel, elle a coûté au gouvernement 900 millions d’euros contre 596 millions budgétés. Les ménages les plus précaires continuent à en bénéficier et elle aura même doublé pour eux en 2019.
À noter également une proposition pour un nouvel amendement (N°I-CF1019) qui suggère d’ajouter le poids des véhicules au calcul du malus indexé sur les émissions de CO2. Inspirée d’une norme fiscale norvégienne, cette disposition aurait pour effet direct de taxer fortement les véhicules lourds (plus de 1 300 kg). Selon les exposés de l’amendement : « le poids moyen des voitures neuves a considérablement augmenté – de 10 kg par an en 50 ans en France –, au point de surcompenser la baisse des émissions gagnée via l’optimisation des rendements des moteurs ou l’amélioration de l’aérodynamique ». Des experts soulignent cependant que certaines voitures hybrides sont plus lourdes et donc risquent d’être plus pénalisées que des véhicules plus légers mais plus polluants.
Le bonus, en revanche, a vu son enveloppe augmenter de 50%, avec comme objectif l’accompagnement au développement du marché de véhicules électriques. Certains industriels de l’automobile regrettent cependant qu’il ne soit pas étendu aux véhicules hybrides rechargeables.
Le projet prévoit aussi la fusion de l’indemnité kilométrique vélo et de l’indemnité forfaitaire de covoiturage évoquée pour la première fois dans la loi d’orientation des mobilités (LOM). Il consiste en un remboursement par les entreprises de 400€ maximum par an pour les salariés qui se rendent au travail par des mobilités alternatives à l’auto-solisme : vélo, covoiturage et toute autre modalité définie par décret. Les agents de l’État en bénéficieront également mais seulement à hauteur de 200€.
En matière d’infrastructures, le communiqué de presse du ministère de la transition écologique mentionne un investissement rattaché à la LOM de 3 milliards d’euros dans les transports. Est également prévue une augmentation du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afitf) de 500 millions d’euros grâce à la fois à une éco-contribution du transport aérien et à une réduction du remboursement partiel de TICPE sur le gazole accordé au transport routier de marchandises. L’usage de ces nouvelles recettes devra se focaliser en priorité sur les transports du quotidien.
Le MTES se félicite également, dans son communiqué de presse de la mise en place d’investissements dans les infrastructures vélo, avec 350 millions d’euros prévus sur 7 ans.

Suppression progressive des tarifs réduits de la TICPE pour le gazole non routier

L’idée est de faire s’aligner la fiscalité pour le gazole non routier (GNR) sur le gazole routier. Dans un rapport annexe à la loi de finances de 2019, il est souligné que le taux réduit de TICPE pour le GNR a représenté une dépense de 890 millions d’euros. Face aux nombreuses protestations, le projet de loi prévoit une suppression de ces avantages étalée sur trois ans. À noter que l’agriculture et le transport ferroviaire continuent à en bénéficier et que la suppression de cet avantage devrait rapporter 200M€ en 2020 et 870M€ en 2023.
 
Rénovation énergétique : changement de formule

Dès 2020, les crédits d’impôts pour la transition énergétique (CITE) seront remplacés par une prime forfaitaire, pour les ménages les plus modestes. L’avantage de cette prime est que ces derniers n’auront plus besoin d’avancer le montant des travaux. Celui-ci ne sera par ailleurs plus proportionnel au coût des travaux mais variera selon le type de travaux, sous forme de forfait. Il pourra couvrir jusqu’à 2/3 des dépenses engagées par les ménages.
Comme auparavant, les ménages les plus aisés ne pourront bénéficier de cette prime mais resteront éligibles au crédit d’impôt sur les installations de systèmes de charge pour véhicules électriques. 
 
Reprise à la hausse de la fiscalité carbone ?

Le gouvernement souligne également dans son communiqué de presse les différentes mesures de soutien à la transition énergétique : le financement du chèque énergie, les investissements en faveur des énergies renouvelables, l’augmentation du « fonds chaleur » de l’ADEME (qui participe « au développement de la production renouvelable de chaleur »). Toujours dans une démonstration d’efforts à la faveur du climat, le projet de loi prévoit de doubler la participation de la France au fonds vert pour le climat, qui passe à 1,5 Mds € pour la période 2020 -2030.
L'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) dans son rapport « une évaluation climat à 360° du budget de l’État » sorti le 1er octobre. À l’heure actuelle, il y a environ 17 milliards d’euros de mesures défavorables au climat. Le rapport relève aussi 20 milliards d’euros de dépenses et de niches fiscales qui lui sont favorables.
Le Conseil des prélèvements obligatoires pas de majuscules à prélèvements et à obligatoires ? a récemment publié un rapport soulignant l’importance de la taxe carbone dans le paysage fiscal français. (v. Fiscalité environnementale : garder la taxe, car bonne, Actualités du droit, 3 octobre 2019). Le rapport souligne cependant que « les objectifs climatiques de la France sont inatteignables sans changements significatifs de comportement », dont un des leviers est la taxe carbone. Elle doit cependant augmenter pour parvenir à l’objectif de réduction de 40 % des émissions en 2030 par rapport à 1990.

Enfin, il est à noter que la nouvelle directrice du FMI Kristalina Georgieva s’est exprimée le 8 octobre, en faveur des taxes carbone, tout en soulignant la nécessité d’assortir ces instruments de réductions d’impôts notamment pour les plus modestes et d’incitations à l’investissement.

Augmentation des budgets pour le Ministère de la transition écologique et création de l’OFB
 
Le communiqué de presse du Ministère de la transition écologique se félicite de la hausse de son budget de 2,6% par rapport à l’année précédente. Au final son budget sera de 32,2 milliards d’euros. À noter qu’en contraste avec cette augmentation, les emplois au ministère sont en baisse de 1073 postes. D’ici la fin du quinquennat, ce sont 5 000 postes qui seront supprimés.
Le nouvel office français de la biodiversité (OFB) ; né de la fusion entre l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) s’est vu octroyer un budget de 41,2 M€. Il sera officiellement créé le 1er janvier 2020. (v. Retour sur la loi créant l’Office français de la Biodiversité, Actualités du droit, 11 septembre 2019)
 
Un green budgeting pour 2020

Le projet de loi de finances dans son état actuel indique qu’il faudra attendre 2020 pour qu’une « annexe budgétaire unique fusionne trois documents budgétaires existants afin d’offrir une vision d’ensemble des dépenses et des mesures fiscales favorables à l’environnement, conformément à la demande du Parlement ».

L’idée est d’améliorer l’analyse de l’incidence environnementale du budget de l’État. Pour cette loi de finances 2020,
l’action du ministère se focalise sur des actions « pour accompagner les Français dans la transition énergétique au quotidien ».
Source : Actualités du droit