Retour aux articles

Création d’une mesure judiciaire de réinsertion sociale antiterroriste

Pénal - Procédure pénale
03/08/2021
La loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a été publiée au Journal officiel du 31 juillet 2021. Focus sur la nouvelle mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion.
La loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a créé une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion. Objectif : prévenir la récidive et assurer la réinsertion des personnes condamnées pour des infractions à caractère terroriste.
 
Le nouvel article 706-25-16 du Code de procédure pénale prévoit que le tribunal de l'application des peines de Paris peut, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, ordonner, « aux seules fins de prévenir la récidive et d'assurer la réinsertion », une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion.
 
Plusieurs conditions pour qu’elle soit applicable : la personne doit avoir été condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d'une durée supérieure ou égale à cinq ans pour un ou plusieurs actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du Code pénal (à l'exclusion de celles relatives à la provocation au terrorisme et à l’apologie de celui-ci) ou d'une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l'infraction a été commise en état de récidive légale. Il convient ensuite de rapporter que la personne condamnée a pu bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, de mesures de nature à favoriser sa réinsertion. Enfin, doit être établi, à l'issue d'un réexamen de sa situation intervenant à la fin de l'exécution de sa peine, que cette personne présente « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion ».
 
La mesure n’est pas applicable aux personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire, à celles faisant l’objet d’une mesure de surveillance judiciaire, d'une mesure de surveillance de sûreté ou d'une rétention de sûreté.
 
Doivent alors être définies les conditions d'une prise en charge sanitaire, sociale, éducative, psychologique ou psychiatrique destinée à permettre la réinsertion de la personne concernée et l'acquisition des valeurs de la citoyenneté. Et la décision peut établir des obligations (exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle, répondre aux convocation du juge de l’application des peines ou du SPIP ou encore établir sa résidence en un lieu déterminé) ou interdictions (de se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise).
 
Durée maximum : un an, renouvelable sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste par le tribunal de l'application des peines de Paris, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté pour au plus la même durée, périodes de suspension comprises. Une limite est définie : cinq ans ou, trois ans lorsque le condamné est mineur. « Chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires qui le justifient précisément ».
 
L’article 706-25-17 dispose que la situation des personnes concernées doit être examinée au moins trois mois avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, « afin d'évaluer leur dangerosité et leur capacité à se réinsérer ». La commission demande alors le placement de la personne concernée, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues puis rendra un avis motivé sur l’opportunité de prononcer une mesure judiciaire de réinsertion sociale antiterroriste.
 
Quant au jugement, l’article 706-25-28 prévoit qu’il est rendu après un débat contradictoire et, si le condamné le demande, public, au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office. La décision devant être « spécialement motivée au regard des conclusions de l'évaluation et de l'avis ». Obligations et durée précisées. La décision est « exécutoire immédiatement à compter de la libération du condamné ». Et la mesure pourra être modifiée ou levée.
 
Appel possible dans les conditions de l’article 712-1. Et le non-respect des obligations est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
 
Enfin, un décret en Conseil d’État viendra préciser les conditions et modalités d’application de ces dispositions.

Le Conseil constitutionnel, saisi notamment de ces dispositions qui ne définiraient pas précisément les conditions dans lesquelles la dangerosité de la personne soumise à cette mesure sera appréciée et de n'avoir ainsi pas accompagné de « garanties légales suffisantes » sa mise en œuvre, conclut à la conformité à la Constitution. En effet, le texte ne méconnaîtrait pas la liberté d'aller et venir, le droit au respect de la vie privée ou le droit de mener une vie familiale normale. Les Sages précisent notamment que législateur poursuit l’objectif de lutte contre le terrorisme et que plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies pour l’application de cette mesure (Cons. constit., 30 juill. 2021, n° 2021-822).
 
 
 
Source : Actualités du droit