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Affaire Buresoft : la question fondamentale du champ de l’objet statutaire des associations pour l’accès au tribunal

Affaires - Sociétés et groupements
27/08/2021
L’interprétation du champ de l’objet statutaire des associations, qui ne peut être excessivement restrictive, et le droit d’accès à l’information, qui implique un possible contrôle sur le contenu et la qualité de celle-ci, sont les deux apports majeurs de cette décision de la CEDH.
Dans le cadre du projet Cigéo, qui visait l’enfouissement de déchets radioactifs sous la commune de Bure, plusieurs associations s’étaient portées partie civile pour contester l’exactitude des informations sur les caractéristiques géothermiques mises à disposition du public par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ci-après « ANDRA »). La CEDH, dans cet arrêt du 1er juillet 2021, vient de contredire nos juridictions internes quant à l’intérêt à agir et la recevabilité de l’une des six associations requérantes. Elle s’est également penché sur l’interprétation de l’article 10 de la CESDH.

La recevabilité des actions des associations de protection de l’environnement

Le TGI de Nanterre avait initialement déclaré les six associations irrecevables en considérant que leurs actions portaient sur « les conditions d’exécution techniques » de l’étude et que seules les commanditaires de cette mission pouvaient agir en responsabilité en raison de l’exécution fautive de celle-ci.

La cour d’appel de Versailles avait, quant à elle, rappelé qu’une association pouvait agir en défense d’intérêts collectifs dès lors qu’ils entrent dans son objet social. En conséquence, elle avait déclaré les actions portées par cinq des associations requérantes recevables, en relevant que leur objet social mentionnait la lutte contre les risques pour l’environnement et la santé que représentent l’industrie nucléaire et les activités et projets d’aménagement qui y sont liés et l’information du public sur les dangers de l’enfouissement des déchets radioactifs. Elle a néanmoins confirmé la décision de première instance en ce qui concerne la recevabilité de l’action de l’une de associations au motif que son objet social, à savoir la protection de l’environnement, était trop général, ce qui ne lui permettait pas de se prévaloir d’un intérêt à agir.

Les moyens portant sur la recevabilité de cette action avaient ensuite été rejetés par la Cour de cassation car mélangés de fait et de droit.

Devant la CEDH, l’association déboutée avait invoqué l’article 6 § 1, qui prévoit l’accès à un tribunal. Elle a ici reconnu que ce droit avait été violé puisque l’association déboutée avait indiqué qu’elle était agréée dans ses conclusions, ce qui lui conférait un intérêt à agir et que la protection contre les risques nucléaires « se rattache pleinement » à son objet social rédigé en des termes généraux, la protection de l’environnement. Elle a donc considéré que l’interprétation faite de cet objet social restreignait excessivement l’accès au tribunal.

La liberté de recevoir des informations de l’article 10 de la CESDH
 
Le second apport de cet arrêt concerne l’interprétation de la liberté de recevoir des informations, qui découle de l’article 10 de la CESDH. La Cour européenne des droit s de l’Homme a ici rejoint les requérantes en affirmant que cette obligation d’information ne peut se limiter à la fourniture d’une information, sans un quelconque contrôle de celle-ci. À défaut, cela reviendrait à vider cette même obligation de tout son sens. Elle a rappelé que les dispositions de la Convention doivent être appliquées « d’une manière qui en rende les exigences concrètes et effectives, et non théoriques et illusoires ». Elle a pu en déduire que, en cas de contestation, les intéressés doivent disposer d’un « recours permettant le contrôle du contenu et de la qualité de l’information fournie ».

La Cour européenne des droits de l’Homme n’a toutefois pas accueilli les demandes d’indemnisation des requérantes quant à la fiabilité des indications du rapport de l’ANDRA et de son respect de son obligation légale de mettre à disposition du public des informations relatives au traitement des déchets radioactifs. Elle a ici considéré qu’il aurait été souhaitable que les juges étayent davantage leur réponse quant à la ressource géothermique de la zone concernée mais que cela ne suffisait pas à qualifier une violation de l’article 10 de la Convention EDH.

 
Pour aller plus loin :
Pour en savoir plus sur l’action en justice des associations de protection de l’environnement, voir le Lamy Associations, n° 238-22.

 
Source : Actualités du droit