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La semaine du droit des sûretés

Civil - Sûretés
30/11/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des sûretés, la semaine du 23 novembre 2020.
Sûreté réelle - saisie - procédure collective
« Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 23 novembre 2017), par trois actes authentiques du 2 février 2007, la société Faukura a constitué, sous la forme d'un « cautionnement hypothécaire », une sûreté réelle sur un terrain, au
bénéfice de la Banque de Polynésie (la banque), en garantie de trois emprunts contractés auprès de celle-ci par la Société de développement de Moorea (la SDM).
La SDM a été mise en liquidation judiciaire le 28 novembre 2011.
Le 9 décembre 2013, la banque a fait délivrer à la société Faukura un commandement de payer le solde des emprunts ou de délaisser l'immeuble, puis, le 19 février 2014, une sommation de prendre connaissance du cahier des charges en vue de la vente forcée de l'immeuble.
Le 13 octobre 2014, la société Faukura a elle-même été mise en redressement judiciaire, M. X étant désigné en qualité de représentant des créanciers.
La société Faukura a demandé que soit constaté l'arrêt de la procédure de saisie immobilière en raison de l'ouverture de la procédure collective.

Vu les articles L. 621-40 et L. 621-42 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 et l'article 2169 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 23 mars 2006 :
Une sûreté réelle, consentie pour garantir la dette d'un tiers, n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le bénéficiaire d'une telle sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur, et, n'ayant pas acquis la qualité de créancier, il n'est pas soumis à l'arrêt ou l'interdiction des voies d'exécution qui, en application du premier des textes susvisés,
résultent de l'ouverture de la procédure collective du constituant. Par conséquent, il peut poursuivre ou engager une procédure de saisie immobilière contre le constituant, après avoir mis en cause l'administrateur et le représentant des créanciers.
Pour constater l'arrêt de la procédure de saisie immobilière diligentée par la banque, l'arrêt retient que celle-ci a fait délivrer une sommation de payer à la société Faukura et que l'action ainsi exercée contre cette société tendait
au paiement d'une somme d'argent même si la banque n'avait d'action que sur l'immeuble affecté en garantie des emprunts contractés par la SDM. Il retient encore qu'il est de l'essence de la procédure de redressement judiciaire de soumettre l'ensemble des créanciers antérieurs à un régime unique en garantissant que les actifs de l'entreprise ne seront pas « préemptés » tant que la faisabilité d'un plan n'a pas été examinée.
En statuant ainsi, alors que, la banque, n'ayant pas la qualité de créancier de la société Faukura mise en redressement judiciaire, n'était pas soumise à la règle de l'arrêt des voies d'exécution résultant de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel a violé les textes susvisés 
».
Cass. com., 25 nov. 2020, n° 19-11.525, P *


Cautionnement – solde débiteur – autorisation de découvert 
« Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 16 janvier 2019), par un acte du 1er décembre 2003, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse (la banque) a consenti à la société X, devenue la société Quilichini (la société), un concours de 150 000 euros, garanti par l'engagement de caution solidaire et personnel souscrit le même jour par M. X.
Le concours ayant été dénoncé par la banque, M. X et la société l'ont assignée en décharge de l'engagement de la caution. Puis, la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque l'a assignée ainsi que la caution en exécution de leurs engagements respectifs. Les instances ont été jointes.
 
Il est constant que le concours bancaire garanti par M. X était une ouverture de crédit en compte courant, soit une autorisation de découvert, le titulaire du compte étant ainsi autorisé à rendre, quand il le souhaitait, celui-ci débiteur dans la limite du montant et aux conditions contractuellement prévus. La cour d'appel n'a donc pas méconnu les limites de l'engagement de M. X en retenant que la créance garantie était le solde débiteur du compte de la société.
 
Vu l'article 2292 du Code civil :
Aux termes de ce texte, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès et on ne peut l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
Pour condamner M. X à payer à la banque la somme de 150 000 euros après avoir constaté qu'il s'était porté caution à hauteur de cette somme, majorée des frais et intérêts, du prêt du même montant consenti à la société le 1er décembre 2003, l'arrêt relève que le solde débiteur du compte de la société, tel qu'il résulte des relevés de compte et tel qu'il a été admis au passif de celle-ci, s'élève à 181 720,17 euros et retient que M. X n'a pas été condamné au-delà de son engagement ou pour le découvert antérieur et qu'il ne peut se plaindre du fait que l'ouverture de crédit a été utilisée et qu'elle a creusé la dette principale, d'autant que la dette est telle qu'elle est sans influence sur le montant de son engagement de caution.
 
En se déterminant ainsi, alors que M. X contestait sa condamnation au paiement du solde débiteur réclamé en soutenant qu'il s'était porté caution le 1er décembre 2003 d'un concours intitulé « contrat de prêt applicable aux fins de la trésorerie des professionnels », consenti le même jour par la banque pour permettre à la société de faire face à un besoin de trésorerie exceptionnel que ses lignes de crédit existantes ne lui permettaient pas de financer et qu'il faisait valoir à cet égard que le solde débiteur du compte, qui s'élevait à 246 094,62 euros lors de la souscription du prêt, ce qui établissait l'existence d'une autorisation de découvert préexistante de 250 000 euros, avait été porté, après l'octroi du nouveau concours bancaire, à 411 000 euros dès le 12 janvier 2004, qu'il était resté débiteur d'environ 380 000 euros jusqu'à début mai 2004 mais qu'ensuite la société n'avait plus tiré sur cette ligne de crédit supplémentaire, le solde du compte repassant durablement à une position débitrice inférieure à ce qu'elle était avant le 1er décembre 2003 et devenant même plusieurs fois créditeur de sorte que, lorsque la banque a dénoncé le concours, ce solde débiteur s'établissait à 150 665,62 euros, soit un montant inférieur à l'autorisation de découvert préexistante, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les circonstances invoquées ne révélaient pas que le concours garanti était une autorisation de découvert supplémentaire, venant s'ajouter à un découvert déjà consenti, a privé sa décision de base légale ».
Cass. com., 25 nov. 2020, n° 19-14.768, P+B *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 30 décembre 2020

 
Source : Actualités du droit