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Contrôle de proportionnalité des atteintes à la liberté d'expression : la chambre criminelle se prononce (enfin) en faveur

Pénal - Droit pénal spécial
28/10/2016
L'incrimination des agissements d'une journaliste ayant consisté à s'infiltrer dans un mouvement politique par l'utilisation d'un faux nom et d'une fausse qualité, dans le cadre d'une enquête sérieuse destinée à nourrir un débat d'intérêt général sur le fonctionnement de celui-ci, eu égard au rôle de cette profession dans une société démocratique, constitue une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression. Tel est le principe énoncé par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 octobre 2016.
En l'espèce, Mme X., journaliste indépendante, a fait usage d'un faux nom et d'une fausse qualité confortés par la création de faux profils "Facebook" et sur le site "Copains d'avant" avant d'adhérer à la fédération des Hauts-de-Seine du mouvement politique "Front national", ce qui lui a permis d'obtenir des documents internes et des informations qu'elle a utilisés pour écrire un ouvrage intitulé "Bienvenue au Front, journal d'une infiltrée". L'association du parti politique a porté plainte avec constitution de partie civile à son encontre pour escroquerie.

Le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu dont ladite association a interjeté appel. Pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt a retenu que Mme X, dont il n'apparaît pas qu'elle ait cherché à nuire au parti politique, a eu pour seul objectif d'informer et avertir ses futurs lecteurs en rapportant des propos tenus au cours de débats ou d'échanges informels, dans le but de mieux faire connaître l'idéologie de ce parti.

La Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle relève toutefois que c'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu que l'élément moral de l'escroquerie s'appréciait au regard du but poursuivi par l'auteur présumé des faits mais ne censure par l'arrêt. Faisant écho à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme rendu le 14 mars 2013 (CEDH, 14 mars 2013, aff. 26118/10), elle considère que si l'infraction d'escroquerie était bien consommée, pour autant, la liberté d'expression prévaut, particulièrement en présence d'un journaliste et écarte l'incrimination de l'article 313-1 du Code pénal.
Source : Actualités du droit