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Justice pénale de mineurs : circulaire de présentation des modifications résultant de "J21"

Pénal - Procédure pénale
04/01/2017
Suppression des TCM, cumul des peines et des mesures éducatives, suppression de la réclusion à perpétuité, césure du procès, convocation par OPJ, mise à exécution des placements et droit à l'assistance d'un avocat pendant la garde-à-vue : la Chancellerie précise les modifications apportées par "J21", à l'ordonnance du 2 février 1945.
La présente circulaire présente les dispositions de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle relatives à la justice pénale des mineurs (L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, JO 19 nov.).

Suppression du tribunal correctionnel pour mineurs. — Les TCM sont supprimés depuis le 1er janvier 2017, leur disparition des TCM se justifiant pour des raisons organisationnelles (source de complexité injustifiée, 1 % du contentieux), raisons juridiques (mise à mal du principe de primauté de l’éducatif, contradiction avec les standards européens et internationaux) et raisons pratiques (absence de "plus-value" : possible saisine directe par le parquet comme le tribunal pour enfant et peu de peines d'emprisonnement prononcées).

Tous les mineurs déjà renvoyés devant le TCM seront de plein droit renvoyés devant le tribunal pour enfants et tous les majeurs renvoyés devant le TCM seront de plein droit renvoyés devant le tribunal correctionnel, sans qu’il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus avant cette date, à l’exception des convocations et citations données aux parties et aux témoins qui n’ont pas été suivies d’une comparution devant la juridiction supprimée. Aucune décision de renvoi supplémentaire ne doit donc être prise. Les mineurs récidivistes âgés de plus de 16 ans, relevant de la compétence du tribunal correctionnel pour mineurs, ont pu être valablement jugés, avant la suppression de cette juridiction, par le tribunal pour enfants ; l’audiencement intervenu avant le 1er janvier 2017, n'autorise pas les parties à soulever une exception d’incompétence.

Cumul des peines et des mesures éducatives. — L’article 30 de la loi du 18 novembre 2016 (précitée) a élargi les possibilités de cumul entre les peines et les mesures éducatives, permettant ainsi la possibilité d’une action éducative quelle que soit la sanction prononcée, "sans remettre en cause la primauté des mesures éducatives". La possibilité de cumuler la liberté surveillée avec d’autres mesures éducatives, est désormais énoncée par le dernier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, qui traite ainsi de tous les cas de cumul. En conséquence, l’article 19 ne concerne plus que la liberté surveillée préjudicielle. Ces nouvelles dispositions sont plus sévères (elles permettent de prononcer une peine en plus d’une mesure éducative) et ne peuvent donc, en vertu de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère (C. pén., art. 112-1), s’appliquer aux infractions commises avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016.

Suppression de la peine de réclusion à perpétuité. — Le deuxième alinéa de l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit désormais que lorsqu’est encourue une peine de détention ou de réclusion criminelle à perpétuité et que la cour d’assises décide de déroger à la réduction de moitié de la peine encourue par un mineur, la peine maximale pouvant être prononcée sera de trente ans de détention ou réclusion criminelle. Il n’est donc plus possible de prononcer une peine de détention ou réclusion criminelle à perpétuité à l’égard d’un mineur de plus de seize ans, quand bien même le bénéfice de l’excuse de minorité lui aurait été refusé. Ces dispositions, moins sévères, sont d'application immédiate (C. pén., art. 112-1) : elles s'appliquent depuis le 20 novembre 2016, y compris aux dossiers en cours qui n’ont pas encore fait l’objet d’une condamnation définitive. Conformément à l’article 112-4 du Code pénal, elles ne remettent pas en question la légalité des peines de réclusion ou détention criminelle à perpétuité déjà prononcées, qui doivent continuer de recevoir application.

Convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement devant le juge des enfants (COPJ JE). —  L’article 31 de la loi du 18 novembre 2016 (précitée) a rétabli, à l’article 8-1 de l’ordonnance du 2 février 1945, la procédure de COPJ JE, qui avait été supprimée par la loi du 10 août 2011 (L. n° 2011-939, 10 août 2011, JO 11 août). Rappelons que ce mécanisme permet, par dérogation au principe de l’information obligatoire prévu à l’article 5 de l’ordonnance, de juger un mineur, y compris primo délinquant, dès sa première comparution devant le juge des enfants.
Comblant un vide juridique, les modifications apportées à l’article 5 précisent, par ailleurs, que les modes de saisine du juge (notamment la COPJ JE) peuvent également concerner des contraventions de la 5ème classe.

Le troisième alinéa de l’article 5 de l’ordonnance du 2 février 1945 est également rétabli dans sa rédaction
applicable avant 2011 : il permet au procureur de la République de prescrire aux officiers ou aux agents de police
judiciaire de délivrer une convocation devant le juge des enfants pour jugement. Il peut, en outre, toujours faire
établir cette convocation aux fins de mise en examen.

Le nouvel article 8-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 dispose, dans son I, que, lorsqu'il est saisi par COPJ aux fins de jugement, le juge des enfants constate l'identité du mineur et s'assure qu'il est assisté d'un avocat. Les II et III du même article prévoient la procédure à suivre selon que les faits nécessitent ou non des investigations supplémentaires.

L’article 31 de la loi a modifié l’article 12 de l’ordonnance afin de prévoir l’obligation de faire établir un recueil de renseignements socio-éducatifs avant toute décision du juge des enfants en application de l’article 8-1. En pratique, il est nécessaire que ce rapport écrit soit présent au dossier lors de la comparution du mineur devant le juge des enfants, ce qui nécessite qu’il soit demandé en amont par le procureur de la République.

Césure du procès pénal. — La Chancellerie rappelle également explicitement l'importance de la césure du procès pénal et évoque l'inconstitutionnalité du cumul des fonctions du juge des enfants (Cons. const., 8 juill. 2011, n° 2011-147 QPC, JO 9 juill.) et la modification subséquente de l’article L. 251-3 du Code de l’organisation judiciaire, par la loi du
26 décembre 2011 (L. n° 2011-1940, 26 déc. 2011, JO 27 déc.).
La césure du procès pénal, survenant à la suite d’une COPJ JE, sans information préalable, étant "la seule permettant à un même juge des enfants, qui n’interviendra qu’en tant que juridiction de jugement et non d’instruction, de suivre l’ensemble de la procédure et, ainsi, de garantir la cohérence des réponses apportées au profit d’une meilleure individualisation" , cette procédure devra donc être, "particulièrement privilégiée".
Comme l’indiquent les nouvelles dispositions, la COPJ JE "peut se combiner" avec la césure du procès pénal prévue aux articles 24-5 et 24-6 de l'ordonnance : le juge des enfants peut statuer sur la culpabilité et l’action civile, puis prononcer un ajournement en renvoyant l’affaire en chambre du conseil ou à l’audience du tribunal pour enfants (art. 24-6, in fine).

L’article 32 de la loi du 18 novembre 2016 a également modifié l’article 24-5 de l’ordonnance du 2 février 1945, afin de prévoir la possibilité pour le juge des enfants ou le tribunal pour enfants qui fait application de la procédure de césure prévue aux articles 24-5 et suivants de reporter sa décision initiale d’ajournement au-delà du délai maximal de six mois prévu actuellement. À l’issue de l’ajournement qui ne doit pas excéder un délai de six mois, un ou plusieurs renvois peuvent encore être ordonnés, mais, dans tous les cas, la décision sur la mesure éducative, la sanction éducative ou la peine doit intervenir au plus tard un an après la première décision d’ajournement.

Mise à exécution du placement. — Le nouvel article 43 de l'ordonnance du 2 février 1945 donne un fondement légal au recours à la force publique pour l’exécution des mesures éducatives de placement prononcées dans le cadre pénal, de manière présentencielle ou postsentencielle. Il est donc désormais régulier de requérir directement la force publique pour contraindre le mineur à intégrer ou réintégrer son lieu de placement. Le dispositif n’est pas applicable à l’égard d’un mineur devenu majeur.

La décision, exceptionnelle,  de recourir à la force publique "devra s’apprécier au regard notamment du constat avéré
d’un comportement faisant échec à la mise en place effective de la mesure".
S’agissant d’une modalité d’exécution d’une mesure éducative n’ayant pas pour effet de rendre l’exécution d’une peine plus sévère, cette disposition est d’application immédiate au lendemain de la publication de la loi (soit depuis le 20 novembre 2016), y compris aux placements prononcés antérieurement à son entrée en vigueur et qui n’auraient pas été mis à exécution ou pour lesquels les ervices éducatifs rencontreraient des difficultés d’exécution.

Garde-à-vue du mineur. — Afin de renforcer les droits des mineurs et de transposer la Directive n° 2016/800/UE du 11 mai 2016, le 1° du I de l’article 31 de la loi a modifié l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945, en vue de rendre obligatoire l’assistance d’un avocat pour le mineur placé en garde à vue, quel que soit son âge : à compter du 1er janvier 2017, les nouvelles dispositions étendent ainsi "officiellement' à la garde-à-vue des mineurs de 13 à 18 ans, les règles applicables à la seule retenue des mineurs de 10 à 13 ans.
Le IV de l’article 4 de l’ordonnance prévoit désormais que dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat, dans les conditions prévues aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du Code de procédure pénale. Du fait du renvoi opéré par l’article 4, aux dispositions du Code de procédure pénale, les possibilités de report de l’intervention de l’avocat prévues par l’article 63-4-2 du même code sont applicables.

Source : Actualités du droit