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Le décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 relatif à la procédure de précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement a été publié au Journal officiel du 17 décembre 2017.
Cette mesure, qui vient modifier les règles en matière de motivation du licenciement, est d’application immédiate. Elle s’inscrit dans le cadre des ordonnances Macron (plus particulièrement, l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017).
Dès à présent, l’employeur pourra préciser a posteriori le motif du licenciement, ce qui atténue fortement la portée de l’un des principes essentiels en matière de droit du licenciement selon lequel « la lettre de licenciement fixe les limites du litige » et qui était durement sanctionné par les juges prud’homaux.
Rappel des nouvelles dispositions sur la motivation du licenciement
Pour mémoire, toute insuffisance ou imprécision dans la motivation du licenciement – au stade de la lettre de notification de la rupture – rendait le licenciement nécessairement sans cause réelle et sérieuse (Cass. ass. plén., 27 nov. 1998, n° 97-40.423, n° 96-40.199 et n° 96-44.358).
Aujourd’hui, et ce même pour les procédures de licenciement en cours (c’est-à-dire pour les licenciements qui n’ont pas été encore prononcés), l’employeur est donc autorisé à préciser les motifs, et ce après avoir envoyé la lettre de licenciement, dans les deux hypothèses suivantes :
Conséquences sur les sanctions d’une insuffisance de motivation
Cette nouvelle procédure a elle-même des conséquences sur les sanctions d’une insuffisance de motivation puisque le nouvel article L. 1235-2 du Code du travail dispose dorénavant qu’« à défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande de [précision], l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire ».
Trois cas de figure pourront ainsi se rencontrer :
Vers de nouveaux contentieux ?
À la lecture du décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 établissant des modèles types de lettres de notification de licenciement, l’employeur devrait mentionner expressément, dans la lettre de licenciement, la faculté offerte au salarié de demander des précisions sur le motif de son licenciement dans les 15 jours suivant la notification de la lettre ainsi que la faculté pour l’employeur d’y donner suite dans un délai de 15 jours ou de prendre lui-même l’initiative d’apporter des précisions sur le motif invoqué.
Cette réforme entraînera sans doute des contentieux sur une nouvelle question de fond : l’employeur a-t-il uniquement précisé la motivation du licenciement ou est-il allé beaucoup plus loin, en apportant des arguments nouveaux, qui sont quant à eux toujours irrecevables ? Il appartiendra aux juges prud’homaux de trancher cette question, au cas par cas, ce qui pourrait devenir une source supplémentaire d’insécurité juridique pour une réforme qui cherchait au contraire la sécurisation des relations de travail.
Par Justine Moreau et Sérafine Poyer du cabinet Scotto & Associés
Motivation des licenciements : de nouvelles règles en matière de procédure source de contentieux ?
Social - Contrat de travail et relations individuelles
17/01/2018
La nouvelle procédure relative aux motifs énoncés dans la lettre de licenciement pourrait déboucher sur de nouveaux contentieux alors que cette réforme cherchait au contraire la sécurisation des relations de travail, estiment, dans une tribune, Justine Moreau et Sérafine Poyer du cabinet Scotto & Associés.
Cette mesure, qui vient modifier les règles en matière de motivation du licenciement, est d’application immédiate. Elle s’inscrit dans le cadre des ordonnances Macron (plus particulièrement, l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017).
Dès à présent, l’employeur pourra préciser a posteriori le motif du licenciement, ce qui atténue fortement la portée de l’un des principes essentiels en matière de droit du licenciement selon lequel « la lettre de licenciement fixe les limites du litige » et qui était durement sanctionné par les juges prud’homaux.
Rappel des nouvelles dispositions sur la motivation du licenciement
Pour mémoire, toute insuffisance ou imprécision dans la motivation du licenciement – au stade de la lettre de notification de la rupture – rendait le licenciement nécessairement sans cause réelle et sérieuse (Cass. ass. plén., 27 nov. 1998, n° 97-40.423, n° 96-40.199 et n° 96-44.358).
Aujourd’hui, et ce même pour les procédures de licenciement en cours (c’est-à-dire pour les licenciements qui n’ont pas été encore prononcés), l’employeur est donc autorisé à préciser les motifs, et ce après avoir envoyé la lettre de licenciement, dans les deux hypothèses suivantes :
- lorsqu’il souhaite préciser la justification du licenciement, à sa propre initiative. Il doit alors le faire dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement ;
- lorsqu’il est contraint de le faire, à la suite d’une demande du salarié. La procédure étant alors la suivante :
- dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, le salarié pourra demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé,
- à réception d’une telle demande, l’employeur disposera alors d’un délai de 15 jours pour apporter des précisions s’il le souhaite (et non compléter le motif comme cela avait été initialement envisagé par le gouvernement).
Conséquences sur les sanctions d’une insuffisance de motivation
Cette nouvelle procédure a elle-même des conséquences sur les sanctions d’une insuffisance de motivation puisque le nouvel article L. 1235-2 du Code du travail dispose dorénavant qu’« à défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande de [précision], l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire ».
Trois cas de figure pourront ainsi se rencontrer :
- Cas n° 1 : le salarié licencié n’a pas formulé de demande de précision auprès de l’employeur. Dans cette hypothèse, l’insuffisance dans la motivation de la lettre de licenciement ne privera pas le licenciement, à elle seule, de cause réelle et sérieuse. Le salarié pourra ainsi seulement prétendre à une indemnité égale à un mois de salaire au maximum ;
- Cas n° 2 : le salarié licencié a formulé une demande de précision à laquelle l’employeur n’a pas donné de suite. Le juge pourra décider que cette absence ou insuffisance de motivation entraîne un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Cas n° 3 : soit le salarié licencié a formulé une demande de précision à laquelle l’employeur a répondu, soit l’employeur a précisé le motif à sa propre initiative. Dans ces deux hypothèses, le juge exercera son pouvoir d’appréciation sur les motifs invoqués pour rechercher si le licenciement est bien justifié.
Vers de nouveaux contentieux ?
À la lecture du décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 établissant des modèles types de lettres de notification de licenciement, l’employeur devrait mentionner expressément, dans la lettre de licenciement, la faculté offerte au salarié de demander des précisions sur le motif de son licenciement dans les 15 jours suivant la notification de la lettre ainsi que la faculté pour l’employeur d’y donner suite dans un délai de 15 jours ou de prendre lui-même l’initiative d’apporter des précisions sur le motif invoqué.
Cette réforme entraînera sans doute des contentieux sur une nouvelle question de fond : l’employeur a-t-il uniquement précisé la motivation du licenciement ou est-il allé beaucoup plus loin, en apportant des arguments nouveaux, qui sont quant à eux toujours irrecevables ? Il appartiendra aux juges prud’homaux de trancher cette question, au cas par cas, ce qui pourrait devenir une source supplémentaire d’insécurité juridique pour une réforme qui cherchait au contraire la sécurisation des relations de travail.
Par Justine Moreau et Sérafine Poyer du cabinet Scotto & Associés
Source : Actualités du droit