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L’avocat général de la CJUE considère que si les États membres sont libres d’autoriser ou non le mariage entre personnes de même sexe, ils ne peuvent pas entraver la liberté de séjour d’un citoyen de l’Union européenne(UE) en refusant d’accorder à son conjoint de même sexe, ressortissant d’un pays hors UE, un droit de séjour permanent sur leur territoire.
En l’espèce, un ressortissant roumain, et un ressortissant américain, ont cohabité pendant quatre ans aux États-Unis avant de se marier à Bruxelles en 2010. Au mois de décembre 2012, les époux ont demandé aux autorités roumaines de leur délivrer les documents nécessaires pour que le mari américain puisse travailler et séjourner de manière permanente en Roumanie avec son conjoint. Cette demande était fondée sur la directive relative à l’exercice de la liberté de circulation (Dir. CE n° 2004/38, 29 avr. 2004, JOCE 29 juin, n° L 229), qui permet au conjoint d’un citoyen de l’Union ayant exercé cette liberté de rejoindre son époux dans l’État membre où ce dernier séjourne. Toutefois, les autorités roumaines ont refusé de lui octroyer ce droit de séjour au motif notamment qu’il ne pouvait pas être qualifié en Roumanie de « conjoint » d’un citoyen de l’Union, cet État membre ne reconnaissant pas les mariages homosexuels. Les époux ont alors introduit un recours devant les juridictions roumaines. Saisie d’une exception d’inconstitutionnalité soulevée dans le cadre de ce litige, la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle de Roumanie) demande à la Cour de justice si l’époux de nationalité américaine en tant que conjoint d’un citoyen de l’Union ayant exercé sa liberté de circulation, doit se voir octroyer un droit de séjour permanent en Roumanie. Dans ses conclusions l’avocat général précise tout d’abord que le problème juridique au centre du litige est non pas celui de la légalisation du mariage entre personnes de même sexe, mais celui de la libre circulation des citoyens de l’Union. Or, si les États membres sont libres de prévoir ou non le mariage entre des personnes de même sexe dans leur ordre juridique interne, ils doivent respecter les obligations qui leur incombent au titre de la liberté de circulation des citoyens de l’Union. Ensuite, l’avocat général constate que la directive ne comporte aucun renvoi au droit des États membres pour déterminer la qualité de « conjoint », si bien que cette notion doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme. À cet égard, il souligne que la notion de conjoint au sens de la directive s’attache à un rapport fondé sur un mariage tout en étant néanmoins neutre du point de vue du sexe des personnes concernées et indifférent au lieu où ce mariage a été contracté. Aussi, il considère que, à la lumière de l’évolution générale des sociétés des États membres de l’Union au cours de la dernière décennie en matière d’autorisation du mariage entre personnes de même sexe, la jurisprudence de la Cour selon laquelle « le terme "mariage", conformément à la définition communément admise par les États membres, désigne une union entre deux personnes de sexe différent » ne peut plus être retenue. L’avocat général relève également que la notion de conjoint est nécessairement liée à la vie familiale qui est protégée de manière identique par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par la convention européenne des droits de l’homme. À cet égard, l’avocat général rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu que les couples homosexuels, d’une part, peuvent connaître une vie familiale et, d’autre part, doivent se voir offrir la possibilité d’obtenir une reconnaissance légale et la protection juridique de leur couple. De plus, la CEDH a également considéré que, dans le domaine du regroupement familial, l’objectif consistant en la protection de la famille traditionnelle ne peut pas justifier une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
Dans ces conditions, l’avocat général est d’avis que la notion de conjoint au sens de la directive comprend également les conjoints de même sexe. Par conséquent, une telle personne peut également séjourner de manière permanente sur le territoire de l’État membre dans lequel son conjoint s’est établi en tant que citoyen de l’Union après avoir exercé sa liberté de circulation. Cette conclusion est également valable pour l’État d’origine de ce citoyen, lorsque celui-ci y retourne après avoir séjourné de manière permanente dans un autre État membre dans lequel il a développé ou consolidé une vie familiale.
La notion de conjoint devant la CJUE
Civil - Personnes et famille/patrimoine
12/01/2018
Selon l’avocat général Wathelet, la notion de conjoint comprend, au regard de la liberté de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille, les conjoints de même sexe.
En l’espèce, un ressortissant roumain, et un ressortissant américain, ont cohabité pendant quatre ans aux États-Unis avant de se marier à Bruxelles en 2010. Au mois de décembre 2012, les époux ont demandé aux autorités roumaines de leur délivrer les documents nécessaires pour que le mari américain puisse travailler et séjourner de manière permanente en Roumanie avec son conjoint. Cette demande était fondée sur la directive relative à l’exercice de la liberté de circulation (Dir. CE n° 2004/38, 29 avr. 2004, JOCE 29 juin, n° L 229), qui permet au conjoint d’un citoyen de l’Union ayant exercé cette liberté de rejoindre son époux dans l’État membre où ce dernier séjourne. Toutefois, les autorités roumaines ont refusé de lui octroyer ce droit de séjour au motif notamment qu’il ne pouvait pas être qualifié en Roumanie de « conjoint » d’un citoyen de l’Union, cet État membre ne reconnaissant pas les mariages homosexuels. Les époux ont alors introduit un recours devant les juridictions roumaines. Saisie d’une exception d’inconstitutionnalité soulevée dans le cadre de ce litige, la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle de Roumanie) demande à la Cour de justice si l’époux de nationalité américaine en tant que conjoint d’un citoyen de l’Union ayant exercé sa liberté de circulation, doit se voir octroyer un droit de séjour permanent en Roumanie. Dans ses conclusions l’avocat général précise tout d’abord que le problème juridique au centre du litige est non pas celui de la légalisation du mariage entre personnes de même sexe, mais celui de la libre circulation des citoyens de l’Union. Or, si les États membres sont libres de prévoir ou non le mariage entre des personnes de même sexe dans leur ordre juridique interne, ils doivent respecter les obligations qui leur incombent au titre de la liberté de circulation des citoyens de l’Union. Ensuite, l’avocat général constate que la directive ne comporte aucun renvoi au droit des États membres pour déterminer la qualité de « conjoint », si bien que cette notion doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme. À cet égard, il souligne que la notion de conjoint au sens de la directive s’attache à un rapport fondé sur un mariage tout en étant néanmoins neutre du point de vue du sexe des personnes concernées et indifférent au lieu où ce mariage a été contracté. Aussi, il considère que, à la lumière de l’évolution générale des sociétés des États membres de l’Union au cours de la dernière décennie en matière d’autorisation du mariage entre personnes de même sexe, la jurisprudence de la Cour selon laquelle « le terme "mariage", conformément à la définition communément admise par les États membres, désigne une union entre deux personnes de sexe différent » ne peut plus être retenue. L’avocat général relève également que la notion de conjoint est nécessairement liée à la vie familiale qui est protégée de manière identique par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par la convention européenne des droits de l’homme. À cet égard, l’avocat général rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu que les couples homosexuels, d’une part, peuvent connaître une vie familiale et, d’autre part, doivent se voir offrir la possibilité d’obtenir une reconnaissance légale et la protection juridique de leur couple. De plus, la CEDH a également considéré que, dans le domaine du regroupement familial, l’objectif consistant en la protection de la famille traditionnelle ne peut pas justifier une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
Dans ces conditions, l’avocat général est d’avis que la notion de conjoint au sens de la directive comprend également les conjoints de même sexe. Par conséquent, une telle personne peut également séjourner de manière permanente sur le territoire de l’État membre dans lequel son conjoint s’est établi en tant que citoyen de l’Union après avoir exercé sa liberté de circulation. Cette conclusion est également valable pour l’État d’origine de ce citoyen, lorsque celui-ci y retourne après avoir séjourné de manière permanente dans un autre État membre dans lequel il a développé ou consolidé une vie familiale.
Source : Actualités du droit