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Bioéthique : le Parlement présente ses recommandations sur la prochaine révision

Public - Santé
29/10/2018
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques vient de publier son rapport sur l’évaluation de l’application de la loi relative à la loi bioéthique n° 2011-814 du 7 juillet 2011. Zoom sur les recommandations pour l’évolution prochaine de la bioéthique.
En application de l’article 47, II, de la loi bioéthique, le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques passe en revue neuf thèmes qui font chacun l’objet de recommandations.

1. Les examens et le conseil génétiques

Sur le droit de ne pas savoir, l’office suit le Conseil d’État et le Comité national consultatif d’éthique en ce qu’ils proposent de ne communiquer aux patients que les informations portant sur les caractéristiques génétiques relevant du motif de la consultation et de l’objet de la prescription, ainsi que la réalisation de l’analyse génétique, qu’elle soit de nature constitutionnelle (ce qui est le cas actuellement) ou somatique (ce qui n’est pas le cas actuellement).
Les parlementaires émettent des réserves quant à l’établissement d’un « profil génétique » comportant un panel de gènes dont les mutations connues sont directement responsables de maladies monogéniques héréditaires afin de ne pas instituer, notamment, une inégalité si cette analyse n’est pas autorisée pour la population générale.
Et sont opposés à la réalisation d’un « profil génétique de prédisposition (ou de prédiction) » portant sur une liste, non exhaustive par nature, de gènes de susceptibilité ou de prédisposition associés à des maladies multifactorielles pour lesquelles le composant génétique joue un rôle partiel dans la survenue de la maladie.
Le rapport souligne également l’absolue nécessité de maintenir un encadrement très strict de l’accessibilité aux données génétiques afin de prévenir les discriminations dans les domaines de l’assurance et de la vie professionnelle notamment.
Les rapporteurs sont favorables au maintien de l’interdiction du libre accès aux analyses génétiques pour la population générale, tout en ayant conscience de son manque d’effectivité face à la facilité de réalisation de ces tests.
Enfin, sur le diagnostic préconceptionnel généralisé, les parlementaires y sont opposés, à l’image du Conseil d’État.

2. Le prélèvement et la greffe d’organes

Si les rapporteurs ne souhaitent pas revenir sur le consentement présumé au prélèvement post-mortem car la législation paraît satisfaisante, il en va différemment pour le don dit « croisé ». Le rapport préconise une extension de la chaîne de dons de rein croisés, à titre expérimental par exemple sur trois ans, en excluant cependant, en début de chaîne, l’intervention d’un donneur vivant apparenté à un des couples donneur-receveur.
Les élus souhaitent le maintien du rôle du président ou d’un magistrat du tribunal de grande instance, dans le recueil du consentement libre et éclairé du donneur.

3. L’assistance médicale à la procréation intraconjugale

Les parlementaires de l’office estiment qu’il n’y a pas lieu d’indiquer dans la loi une limite d’âge pour la femme et pour l’homme à la réalisation de l’AMP, les bonnes pratiques édictées par l’Agence de la biomédecine étant suffisantes.
Pour ce qui est de l’insémination l’AMP post-mortem, si la décision était prise d’autoriser l’AMP aux femmes seules, alors pour l’AMP post-mortem, il conviendrait de prendre en compte le délai entre le décès du conjoint et la réalisation de l’AMP et de conserver la filiation paternelle, ainsi que de s’assurer qu’avant son décès, le conjoint décédé avait exprimé sa volonté de voir poursuivre le projet parental.

4. L’autoconservation des gamètes

Les rapporteurs suggèrent de bien distinguer le don altruiste et gratuit d’ovocytes de la possibilité d’autoconservation d’ovocytes chez la femme n’ayant pas eu d’enfant.
Ils insistent également sur l’absolue nécessité d’encadrer la pratique de l’autoconservation ovocytaire par certaines conditions, notamment :
- l’âge de la femme au moment de l’autoconservation ;
- ses motivations en termes de projet parental ;
- le risque lié à la pratique du recueil d’ovocytes.
Le consentement à poursuivre l’autoconservation des ovocytes devrait faire l’objet d’une confirmation périodique.

5. L’assistance médicale à la procréation avec don de gamètes

L’office émet plusieurs recommandations sur le consentement au don de la part de l’autre membre du couple : le consentement du conjoint est un préalable indispensable au don de gamètes qui ne saurait être révocable, quel que soit le devenir du couple.
Les rapporteurs sont favorables à permettre aux centres privés de recueillir et conserver les gamètes, dans les mêmes conditions que pour les centres publics (financières, matérielles), sous contrôle de l’Agence de la biomédecine.
De même, ils estiment indispensable la création d’un registre national des donneurs, voire des receveurs de gamètes.
Enfin, ils souhaitent la suppression de l’interdiction du double don de gamètes car des couples infertiles peuvent accueillir des embryons surnuméraires conçus par d’autres couples dans le cadre d’un projet parental avec leur consentement. Sur l’anonymat du don, ce principe devrait être maintenu mais avec deux possibilités :
– soit la(le) donneuse(eur) accepte que toute son identité soit révélée à la majorité de l'enfant à naître, si celui-ci a été averti par ses parents et s’il en formule la demande ;
– soit la(le) donneuse(neur) refuse et l’enfant à naître au moment de sa majorité, ayant été averti par ses parents et s’il le demande, pourra avoir uniquement accès aux données non-identifiantes (couleur des yeux, des cheveux, antécédents médicaux…) de la(le) donneuse(neur).
La recevabilité de la candidature d’un donneur pourrait être conditionnée à son acceptation d’une communication de ses données identifiantes à la majorité de l’enfant né du don. Ces données pourraient être intégrées dans un registre national, géré par une structure publique nationale.
Les parlementaires soulignent la complexité du débat sur l’extension du champ de l’assistance médicale à la procréation avec dons de gamètes aux couples de femmes dont l’une est stérile (cf. CE, 28 sept. 2018, n° 421899).

6. L’embryon humain in vitro

Les rapporteurs sont favorables à l’élargissement à 14 jours du délai de culture in vitro des embryons destinés à la recherche. Recherche qui ne devra pouvoir être entreprise sue sur des embryons surnuméraires conçus par AMP.

7. Les cellules souches humaines

Le rapport adopte les mêmes conclusions que l’étude du Conseil d’État sur les cellules souches embryonnaires.
Sur le prélèvement de cellules souches hématopoïétiques (CSH), les rapporteurs sont favorables à l’assouplissement du consentement du donneur de CSH adulte non apparenté mais sont réservés quant à l’extension de dons de CSH par un mineur à tous ses parents, étant donné que le parent malade (père, mère) est également le détenteur de l’autorité parentale qui doit exprimer son consentement devant le président du TGI.

8. Les neurosciences

Le rapport souligne qu’en l’état actuel de la législation, il existe un risque d’emploi abusif des techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle dans le cadre des expertises judiciaires.

9. Lien entre bioéthique et innovations technologiques

Les membres de l’Office souhaitent le réexamen de la question de l’interdiction aux sociétés d’assurance santé complémentaire de l’accès aux données de santé, patronymisées ou anonymisées, qu’elles ont les moyens de rapprocher des données individuelles en leur possession.
 
Source : Actualités du droit