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Urgences hospitalières : entre avancées notables et difficultés persistantes

Public - Santé
13/02/2019
La Cour des comptes dresse un bilan du fonctionnement des urgences hospitalières. Mais s’ils sont désormais mieux structurés, ces services peinent à faire face aux sollicitations croissantes des usagers. Le développement des alternatives aux urgences hospitalières, notamment en repensant la coopération ville-hôpital et la réorganisation des prises en charges hospitalières sont les principaux axes des recommandations de la Cour.
Dans son rapport public annuel 2014, la Cour des comptes faisait déjà le constat d’une augmentation continue du recours aux services d’urgence hospitaliers et de la nécessité corrélative de redéfinir le rôle des services d’urgence dans le système de soins.
Depuis et à la suite d’une enquête menée depuis, la Cour constate que les améliorations organisationnelles mises en œuvre à l’hôpital depuis 2014 n’ont pas porté tous leurs effets, faute d’un partage des tâches avec la ville permettant de réaliser le « virage ambulatoire » préconisé (voir not. C. comptes, oct. 2018, Rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, p. 175 et s.).
 

I. Premier constat : des services d’urgence mieux structurés, confrontés à une demande toujours croissante des usagers

 

« Si l’augmentation continue du recours aux services d’urgence a conduit ceux-ci à mieux s’organiser, le sous-effectif médical suscite des tensions dans un nombre croissant d’établissements ».

 

1) Hausse continue du recours aux urgences


La Cour des comptes met en exergue une hausse continue du recours aux urgences, correspondant pour partie à des prises en charge injustifiées.

Dynamique de croissance inchangée. — La Cour des comptes note, d’une part, une dynamique de croissance inchangée et des temps de passage stables mais disparates. Quelques données chiffrées sont mises en avant :
  • de manière générale, les services d’urgence des établissements de santé ont, en 2016, accueilli 21,2 millions de passages (contre 18,4 en 2014), soit une augmentation de près de 15 % en 4 ans et, en moyenne, de 3,6 % par an. Cette croissance a porté essentiellement sur les passages non suivis d’hospitalisation ;
  • l’offre de soins est demeurée stable, avec 641 structures d’urgence en 2016, tout comme la répartition des prises en charge entre les établissements publics (81,9 % des passages), le secteur privé lucratif (12,7 %) et le secteur privé non lucratif (4,4 %) ;
  • la principale cause de venue aux urgences est, comme en 2012, la traumatologie (36 %) et 20 % des passages débouchent sur une hospitalisation (56 % pour les plus de 75 ans) ;
  • la majorité des passages se situe aux heures ouvrables et en début de soirée, avec des pics en milieu de matinée et entre 18h et 22h ;
  • le temps de passage médian, couvrant l’attente et la prise en charge, atteint deux heures pour la moitié des patients, ce qui paraît « raisonnable » selon la Cour des comptes. Néanmoins, ces temps de passage varient fortement en fonction de l’âge des patients, de la région ou du type d’établissement. Ainsi, la prise en charge est au moins deux fois plus longue pour les personnes âgées (besoin d’examens complémentaires et délais d'obtention d'un lit d’aval). En Île-de-France (temps similaires en Auvergne-Rhône-Alpes), le temps de passage médian est de 2h40 et se situe entre 4 et 8 heures pour près de 25 % des patients, voire plus de 8 heures pour près de 10 % d’entre eux. De manière générale, le temps d’attente aux urgences est plus élevé dans le secteur public que dans le secteur privé.
 
Part importante de « passages évitables ». — La Cour des comptes observe une fréquentation qui recouvre une part importante de passages évitables. Déjà en 2014, la Cour constatait que la méconnaissance des caractéristiques des patients recourant aux urgences rendait difficile la détermination de la part de ceux qui pourrait être pris en charge en médecine de ville ; elle recommandait à cet égard de mesurer et d’analyser plus finement ces passages évitables, « qui constituent un enjeu majeur pour la bonne orientation des patients, sur le plan médical comme financier ».
Si l’estimation du nombre de ces passages évitables « reste sujette à controverse », il est possible de se fonder sur la classification clinique des malades aux urgences (CCMU, renseignée en France par l’urgentiste après la prise en charge du patient), pour estimer qu’environ 20 % des patients actuels des urgences hospitalières ne devraient pas fréquenter ces structures et qu’une médecine de ville mieux organisée et dotée des outils idoines devrait pouvoir accueillir une proportion plus importante de ces patients.
 

2) Des avancées notables en termes de recueil de données et d’organisation


Poursuivant l’état des lieux des services d’urgence, la Cour des comptes souligne des avancées notables en termes de recueil de données et d’organisation, l’enjeu de disposer de données fiables et homogènes pour analyser l’activité des urgences hospitalières et les caractéristiques des patients ayant été souligné à plusieurs reprises à plusieurs reprises.
Mal renseignée dans les systèmes d’information en 2014, cette connaissance a progressé depuis, grâce, notamment à la généralisation des résumés de passages aux urgences (RPU), qui renseignent systématiquement sur les causes du recours aux urgences, les modes d’arrivée ou de sortie et les durées de passage. Ces données, couplées à celles de l’enquête « un jour donné » réalisée en 2013 par la DREES (voir ici)  ont mis en évidence plusieurs progrès organisationnels, qui répondent aux préconisations de la Cour :
  • 80 % des services d’urgence disposaient en 2016 d’une fonction d’accueil et de triage des patients à l’entrée ;
  • les « circuits courts », destinés à traiter rapidement des cas légers, se sont généralisés dans les structures à forte activité ;
  • les expériences de « gestionnaires de lits » visant à faciliter et à rationaliser les hospitalisations en sortie d’urgences, qui se sont multipliées surtout dans les structures assurant un grand nombre de passages. Des difficultés d’aval perdurent néanmoins dans de nombreux sites, notamment pour l’hospitalisation des personnes âgées ;
  • expérimentations de dispositifs associant in situ la médecine de ville à la prise en charge des urgences (consultation assurée en journée par des médecins de ville à proximité des urgences).
 
Mais si ces progrès dans l’organisation « fluidifient les parcours et améliorent la qualité des prises en charge » et permettent vraisemblablement « d’absorber l’augmentation continue de l’activité sans dégradation notable des temps de passage », les services d’accueil des urgences connaissent néanmoins toujours « des situations de saturation et de tension, exacerbées lors des périodes de pic d’épidémie ».
 

3) Un sous-effectif médical générateur de tension


Quelques données chiffrées sont, ici comme ailleurs, mises en avant par la Cour des comptes : :
  • au 31 décembre 2016, environ 9 500 médecins travaillaient au sein de services d’urgence ;
  • depuis 2013, leur nombre a augmenté de 13 % (avec un rythme légèrement inférieur à celui de 15 % de la progression de l’activité ;
  • entre 2013 et 2016, le mode d’exercice s’est profondément transformé : la proportion de médecins travaillant à temps partiel est de 77 % en 2016 (contre 46 % en 2013).
Les services d’accueil des urgences sont particulièrement touchés par les difficultés de recrutement de personnels médicaux. Ceci, en raison des conséquences de la diminution du nombre global de praticiens exerçant dans ces services et de celles de la réforme du temps de travail à l’hôpital, qui devrait, à terme, engendrer, à organisation constante, un besoin supplémentaire d’ETP d’urgentistes de l’ordre de 20 %.
De nombreux postes sont vacants ou occupés par des personnels à statut précaire. Les données transmises par le CNG (centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière) au 1er janvier 2017 font apparaître un taux de vacance statutaire des praticiens hospitaliers (PH) exerçant en médecine d’urgence (25 % pour les PH à temps plein ; 45 % pour les PH à temps partiel).
Or cette situation « renforce les tensions sur les effectifs des services d’urgence et impose aux établissements des coûts supplémentaires liés à la rémunération du temps de travail additionnel et au recours à des personnels intérimaires ». La situation est encore plus problématique outre-mer, puisqu’à l’exception de La Réunion, les services d’urgence font appel non seulement à l’intérim, mais aussi à la réserve sanitaire.
 

« Malgré les efforts entrepris pour réorganiser le circuit des patients dans les services d’urgence, le système actuel semble à bout de souffle. Les situations de tension récurrentes et la pénurie de personnel constatées dans certains établissements témoignent des difficultés à assurer la permanence des soins dans tous les territoires ».

 
 

II. Second constat : des difficultés persistantes d’articulation entre la ville et l’hôpital

 

« L’articulation entre la ville et l’hôpital est délicate, en raison d’une tarification peu adaptée et de l’insuffisance de l’offre de soins non programmés en médecine de ville ».

 

1) Une tarification complexe, qui ne favorise pas la coopération ville-hôpital


La Cour des comptes relève quelques chiffres pour 2016. Les dépenses liées aux passages dans les services d’urgence se sont élevées à 13,1 milliards d’euros, soit 17 % de l’ONDAM hospitalier (objectif national de dépenses d’assurance maladie), les dépenses des services d’urgence stricto sensu atteignant 3,1 milliards d’euros, soit une hausse moyenne annuelle de 4 % depuis 2013.
Le coût moyen d’un passage aux urgences a été, pour l’Assurance maladie, de 148 euros (sans hospitalisation en unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) et quel que soit le degré de gravité de la pathologie du patient). En comparaison, les coûts des consultations simples (CCMU 1) ont été, dans les établissements publics et privés à but non lucratif, de 115 euros en journée, 150 euros la nuit et 134 euros le week-end ; pour les consultations en ville, les coûts sont de 25 euros en journée, 71 euros la nuit et 54 euros le week-end et pour les visites à domicile de 84 euros en journée et 104 euros la nuit.

La Cour des comptes souligne que, dès 2014, elle avait relevé que ce dispositif tarifaire complexe « incitait à l’activité au lieu d’encourager les efforts de régulation » et que, pourtant, « peu d’évolutions sont intervenues depuis lors ».
En outre, il s’avère que compte tenu du cadre actuel du financement des structures d’urgence, la croissance du nombre de passages permet aux établissements de dynamiser leurs recettes, tandis que le report, sur la médecine de ville, d’une partie des passages évitables est financièrement pénalisant pour eux, alors même qu’il serait porteur d’économies pour l’Assurance maladie.
La Cour des comptes réitère donc sa recommandation de réforme de la tarification des services d’urgence, en s’appuyant sur une meilleure connaissance des différentiels de coûts entre prises en charge hospitalières et prises en charge en ville, « dans une approche privilégiant l’efficience ».
 
 

2) Une offre de soins non programmés toujours insuffisante du côté de la médecine de ville


La Cour des comptes déplore que les dispositifs encouragés par les pouvoirs publics au cours des dernières années en faveur d’une offre de soins non programmée en ville se soient révélés en partie décevants. Et, ce, qu’il s’agisse des maisons médicales de garde (MMG), dont l’impact demeure incertain ou des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), en ce qu’elles ne sont pas en capacité de traiter certains patients faute de disposer de plateau technique. Les expériences les plus abouties sont celles qui ont associé, sur un même lieu, un établissement de santé et une maison médicale de garde, voire une maison de santé pluridisciplinaire ou un centre de santé.
Il s’avère également que les associations du type de SOS Médecins viennent pallier, dans les zones urbaines, les difficultés à recourir à un médecin recevant hors rendez-vous ou à bref délai, que ce soit en soirée, en week-end, voire souvent aux heures « ouvrables ».
À la juxtaposition des dispositifs s’ajoute la multiplication des numéros d’appel, déjà soulignée par la Cour en 2014, « le tout contribuant à brouiller les possibilités de recours aux soins non programmés en dehors de l’hôpital pour la population ». En ce qui concerne la mise en place d’un numéro national (le 116 117) spécifiquement consacré à la permanence des soins ambulatoires (PDSA), la Cour des comptes souligné qu’il a été envisagée par les pouvoirs publics et a fait l’objet d’un début d’expérimentation dans trois régions (Pays de la Loire, Corse et Normandie). Toutefois, outre le fait que les positions des acteurs restent contrastées, l’extension de l’expérimentation est actuellement suspendue dans l’attente des conclusions d’une mission conjointe confiée à l’IGAS et à l’IGA, visant à définir des scénarios de plateformes communes de réception des appels d’urgence.
 

« Une des limites du « virage ambulatoire » (…) réside dans les insuffisances de l’accès aux soins non programmés en dehors des structures hospitalières ».

 
 

III. Préconisation : accélérer les réformes pour favoriser la variété des réponses aux soins urgents sur les territoires

 

« Face à la persistance d’un engorgement des urgences hospitalières, plusieurs leviers doivent être actionnés, dans le cadre d’une approche globale et coordonnée des soins non programmés ».

 

1) Mesures du « Plan Santé 2022 »


La Cour des comptes observe que plusieurs mesures annoncées dans le cadre du plan « Ma santé 2022 » (voir ici) pourraient contribuer à réduire le recours aux urgences :
  • le volet « repenser l’organisation territoriale des soins » prévoit un renforcement de l’exercice coordonné et une meilleure structuration des prises en charge à domicile, tandis que les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui ont vocation à être généralisées sur l’ensemble du territoire et à assurer la continuité et la permanence des soins ne nécessitant pas de plateau technique ; en particulier, elles devront garantir aux patients la possibilité d’obtenir une consultation dans la journée en cas de nécessité ;
  • le volet « modes de financement et de régulation »  prévoit d’expérimenter pendant trois ans l’attribution d’une incitation financière aux structures d’urgence s’efforçant de réorienter vers la ville les patients ne nécessitant qu’une consultation simple.
Au-delà et en vue de réduire le recours aux urgences et de mieux assurer la permanence des soins, la Cour des comptes préconise des évolutions complémentaires : en développant des alternatives aux urgences en ville et en réorganiser les prises en charge hospitalières :
 

2) Développement des alternatives aux urgences en ville


Dans ce cadre, la Cour des comptes souhaite d’abord que les coopérations ville-hôpital soient favorisées. De manière générale, elle estime que « la mission d’organisation de l’accès aux soins urgents confiée aux ARS ne doit plus être confinée aux urgences hospitalières, mais viser l’offre de soins non programmés dans son ensemble ».

À cette fin, selon la Cour :
  • les comités techniques régionaux des urgences (CTRU) doivent laisser place à de véritables comités régionaux de pilotage des soins non programmés ;
  • les ARS doivent davantage mobiliser les nouveaux modes d’organisation, que ce soit au niveau hospitalier (constitution des groupes hospitaliers de territoire - GHT) ou au niveau ambulatoire (communauté professionnelle territoriale de santé - CPTS) ;
  • la révision à mi-parcours, en 2020, des schémas régionaux en santé, pourrait être l’occasion d’un premier bilan ;
  • dans les zones rurales à faible densité médicale, les ARS doivent s’appuyer plus largement sur les médecins correspondants de SAMU ou les antennes de SMUR ;
  • il est indispensable que les ARS procèdent à un état des lieux, et, le cas échéant, à une restructuration des services dont la faible activité ne permet plus d’assurer la permanence des soins dans des conditions financièrement supportables ;
  • lorsque la remise en cause de l’autorisation d’activité du service d’urgence n’apparaît pas souhaitable, un assouplissement des modalités de fonctionnement, comportant par exemple des fermetures nocturnes, aujourd’hui non autorisées par les textes, devrait être mis à l’étude ;
  • la transformation de services d’urgence en centres de soins non programmés (comme c’est déjà le cas sur certains sites) devrait être plus largement envisagée.
 

« La planification de l’offre [doit se faire] sur la base d’une approche globale et graduée, avec plusieurs niveaux, allant de la médecine de ville aux structures d’urgence, en passant par des centres consacrés aux soins non programmés ».

 
La Cour des comptes encourage ensuite le développement de la prise en charge des soins non programmés en ville. Elle note que dans le cadre de la convention médicale du 25 août 2016 (Arr. 20 oct. 2016, NOR : AFSS1629881A, JO 23 oct.), des efforts ont été faits pour encourager les médecins de ville à mieux répondre à la demande de soins non programmés (majorations, revalorisation de la visite à domicile dans certains cas). Il convient désormais d’en dresser le bilan.

La Cour des comptes signale également un schéma émergent d’organisation, sur le modèle des walk in centers qui existent notamment au Royaume-Uni, aux États-Unis ou en Australie, qui permettraient de prendre notamment en charge des patients stables, relevant de consultations simples ou de consultations comportant un nombre limité d’actes diagnostiques ou thérapeutiques. Pour la Cour, ces structures qui auraient accès à un petit plateau technique in situ ou à proximité, pourraient être hébergées par des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou par les 500 à 600 « hôpitaux de proximité » du plan « Ma santé 2022 » ou pourraient être issues de la transformation de petits services d’urgence en voie de fermeture. La Cour des comptes fait également état des coopératives de généralistes qui existent aux Pays-Bas.

 

3) Réorganisation des prises en charge hospitalières


Toujours en faveur d’une approche globale et coordonnée des soins non programmés, la Cour des comptes préconise une réorganisation des prises en charge hospitalières.

Usagers fréquents. — D’abord, il conviendrait d’organiser les parcours des usagers fréquents, définis comme ceux qui effectuent au minimum trois passages dans l’année. Au sein de cette catégorie, se trouvent principalement les patients âgés, ceux présentant des pathologies médicales chroniques, ceux atteints de pathologies mentales ou les usagers de stupéfiants.
Les personnes âgées constituent la « cible prioritaire » des actions menées en direction de ces patients, qu’elles vivent à domicile ou en établissement, notamment en ce que les passages aux urgences et les hospitalisations sont reconnues comme étant une source d’aggravation de la perte de leur autonomie. La priorité doit donc être de les éviter, par une meilleure prise en charge à domicile et en EHPAD.
Selon la Cour des comptes, plusieurs actions initiées ces dernières années en ce sens, mériteraient d’être renforcées, qu’il s’agisse de la présence d’infirmières de nuit, de la télémédecine, du développement de l’hospitalisation à domicile (HAD), de l’assouplissement des conditions d’intervention du médecin coordonnateur ou bien encore de la généralisation du dossier de liaison d’urgence (DLU). Parmi d’autres dispositif, la Cour rappelle notamment la mise en place de « filières gériatriques » (Circ. min., 28 mars 2007, NOR : SANH0730182C).
 
Délégation aux IDE. — Ensuite, il serait opportun, selon la Cour des comptes, de promouvoir les délégations de tâches aux urgences. Les services d’urgence constituent un cadre favorable à la mise en place de délégations de tâches, en raison de la possibilité de recourir en permanence à un médecin en cas de difficulté. D’ailleurs, en pratique, les dispensation d’antalgiques se fait déjà par les infirmiers diplômés d’État (IDE) ; l’infirmier d’accueil peut également être autorisée à prescrire des radiographies à l’arrivée du patient, à orienter ceux d’entre eux qui présentent de la petite traumatologie, voire à poser un dispositif d’immobilisation après diagnostic par le médecin. Comme le souligne la Cour, la définition récente du cadre juridique des pratiques avancées des infirmiers (D. n° 2018-629, 18 juill. 2018, JO 19 juill. ; D. n° 2018-633, 18 juill. 2018, JO 19 juill.) devrait permettre de progresser dans ce domaine, « pour autant que leur champ de compétence soit élargi et adapté au contexte spécifique des urgences ». La Cour des comptes recommande donc à ce titre d’établir une liste de délégations d’actes en faveur des IDE dans les services d’urgence et d’en définir les modalités de mise en œuvre avec les sociétés savantes concernées.

Réforme de la tarification. — Enfin, il faudrait réformer la tarification, « pour en faire un levier de rééquilibrage entre l’hôpital et la ville ». Dans le prolongement des constats opérés précédemment (voir supra), la Cour des comptes considère que le report d’une partie des passages aux urgences vers la médecine de ville est souhaitable « en termes de qualité, de pertinence et de continuité des soins, comme de dépenses pour l’Assurance maladie ».
La Cour estime que les établissements hospitaliers ne pourront tirer avantage à ce report que s’ils réaménagent à cette occasion des services d’urgence formatés pour traiter « en masse » des cas légers et redéploient leurs moyens.
Néanmoins, le risque est qu’un tel transfert de la prise en charge puisse être pénalisant. Ceci, tant que la tarification continuera à assurer une péréquation des cas « légers » vers les cas « lourds », en faisant abstraction de la hiérarchie des coûts réels de prise en charge. Pour « limiter les effets pervers du dispositif actuel » et ne pas pénaliser les établissements qui auront pu renvoyer vers la ville une partie des patients de leurs services d’urgence, deux actions sont suggérées par la Cour des comptes :
  • la réalisation d’une enquête nationale sur les coûts constatés dans ces services ;
  • la définition d’un système de tarification des urgences favorisant une meilleure adéquation des financements aux coûts et le redéploiement d’une partie des passages aux urgences vers des prises en charge en ville.
Source : Actualités du droit