Retour aux articles

Complément alimentaire brûleur de graisse : pratique commerciale trompeuse

Environnement & qualité - Qualité
10/04/2019
La cour d’appel confirme la condamnation en première instance d’une société pour pratique commerciale déloyale pour avoir commercialisé un complément alimentaire « brûleur de graisse » portant des allégations interdites et mensongères.
Une société spécialisée notamment sur « le segment minceur » avait développé et commercialisé à partir de janvier 2018 dans un réseau de pharmacies et de parapharmacies un complément alimentaire X, composé notamment d'un complexe de wakamé et de curcuma.

Pour l'association de consommateurs CLCV, la société avait recours à des allégations, indications et présentations fausses, mensongères, trompeuses et de nature à induire en erreur les consommateurs concernant la nature, les éléments essentiels, la composition, les effets et les résultats attendus de ce complément alimentaire. Selon la CLCV, la méthode de commercialisation et de présentation mise en œuvre avait altéré ou était susceptible d'altérer le comportement économique des consommateurs. Aussi la CLCV avait fait citer la société devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris.

Par ordonnance en date du 15 novembre 2018, le juge a condamné la société à supprimer de tous les supports de présentation, commercialisation et publicité les mentions telles que « extra fort » à propos de la qualification de brûleur de graisses ; « efficacité prouvée » ; « scientifiquement prouvé » ou « brûle 700 kcal/jour ». La société a fait appel de cette ordonnance devant la Cour d'appel de Paris.

Pour les juges d'appel une pratique commerciale trompeuse, qui peut résulter d'une opération de communication, est interdite par la loi. Elle est donc constitutive d'un trouble manifestement illicite et, si elle persiste, d'un dommage imminent, autorisant le juge à prendre des mesures appropriées pour la faire cesser.
En l'espèce, depuis janvier 2018 la société avait commercialisé le complément alimentaire X dont l'emballage comporte :
- sous la dénomination du produit, la mention « Brûleur de graisses extra fort (1) », l’appel de note (1) renvoyant au dos de l'emballage à la mention suivante : « Une association de curcuma et de wakamé : le wakamé aide à brûler les graisses, réduire l'appétit et à contrôler son poids » ;
- dans un encadré les mots suivants : « Brûle 700kcal/jour* Efficacité prouvée (3) », l'astérisque renvoyant à la précision portée au dos de la boîte « Résultats moyens de l'étude » et l’appel de note (3) renvoyant à la précision suivante : « Étude scientifique. L'efficacité du complexe d'ingrédient Wakamé-Curcuma a été prouvée par une étude scientifique en double aveugle versus placebo, menée sur 59 personnes pendant 28 jours » ;
- au dos de l'emballage les phrases suivantes : « Vous cherchez une solution naturelle et efficace pour perdre du poids (1) », les mots perdre du poids étant inscrits en gras. Le renvoi (1) précise « Une association synergique de 8 actifs soigneusement sélectionnés : 4 extraits de plantes, choisis pour leur action minceur : une association de curcuma et de wakamé : le wakamé aide à brûler les graisses, réduire l'appétit et à contrôler son poids »;
- sur l'un des côtés de l'emballage, la mention selon laquelle « Un complément alimentaire ne doit pas se substituer à une alimentation variée et équilibrée et à un mode de vie sain » ;
- au bas du dos de l'emballage du produit la reproduction d'un livret et les mots « Inclus dans la boîte, un livret de conseils & de menus minceurs ».

La promotion du produit était également réalisée à travers un spot publicitaire, dans la presse écrite et sur le site internet de la société.

Les juges d'appel ont constaté que les moyens ainsi utilisés insistent de manière récurrente sur l'effet bénéfique du produit non seulement sur la perte de calories dans des proportions élevées (le message de la perte de 700 kcal par jour est systématiquement repris) mais aussi sur la perte de poids en résultant. En outre, les juges ont observé que sur les différents supports de communication précités, à l'exception du site internet de la société, le message délivré aux consommateurs ne s'embarrasse pas de nuances et laisse entendre que la seule consommation du produit litigieux suffit à produire les effets annoncés.

Une mention selon laquelle « Un complément alimentaire ne doit pas se substituer à une alimentation variée et équilibrée et à un mode de vie sain » est obligatoire en application de l'article 10 du décret nº 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires (voir Le Lamy Dehove, étude n° 276). La présence de cette mention ne suffit pas à prévenir le risque d'une erreur du consommateur dès lors que cette information est écrite sur le côté de l'emballage en petits caractères et est supplantée par l'effet sur le consommateur des informations précitées mises en exergue et laissant supposer que la seule consommation du produit permet, sans autre réserve, de brûler 700 kcal par jour.

De plus, le renvoi au site internet de la société dans la publicité insérée dans la presse écrite, quand bien même ce site apporte des nuances sur les conditions de consommation dudit produit, n'est pas suffisant pour faire cesser la tromperie. Celle-ci résulte de l'information délivrée sans réserve au consommateur sur l'effet systématique de la perte de calories par la simple consommation du produit en l'absence d'une information même succincte insérée dans cette publicité.

Enfin, la présence du bandeau déroulant inséré dans le spot publicitaire qui indique « pour votre santé, mangez au moins 5 fruits et légumes par jour » n'est pas de nature à atténuer le risque d'erreur du consommateur. En effet, ce message porte sur une recommandation de santé d'ordre général qui ne s'adresse pas nécessairement aux usagers de compléments alimentaires mais à toute la population quelle que soit sa situation. En outre, s'agissant d'un message écrit repris dans une publicité audiovisuelle, il n'est guère lisible pour le téléspectateur moyennement attentif. Son attention est, compte tenu de la durée très brève du spot (15 secondes), essentiellement captée par le message audio insistant sur l'effet du produit par sa seule consommation sur la minceur et la perte de calories à hauteur de « 700 calories par jour » ou encore le contraste entre l'image d'une femme svelte, souriante, habillée d'une manière vive et en bonne santé, avec l'image d'une femme marquée par l'effort physique qu'elle s'inflige en pratiquant la course à pied.

Pour les juges d'appel, les informations délivrées par la société sont de nature à induire en erreur le consommateur sur les conditions d'utilisation du complément alimentaire X et sur les résultats attendus de son utilisation. Elles ne précisent pas de manière suffisamment claire et expresse que la seule consommation dudit produit n'est pas suffisante pour espérer atteindre les résultats annoncés et qu'elle doit être complétée par une alimentation saine et variée et une activité, si ce n'est sportive, du moins physique.

Le fait d'induire en erreur le consommateur est d'autant plus caractérisé que ce message sans réserve ainsi délivré sur ces supports est renforcé par les mentions complémentaires, notamment sur l'emballage, d'une « efficacité prouvée » et d'un renvoi à une « étude scientifique ». Lesdites mentions vont ensemble conforter le consommateur dans la croyance de la pertinence et la complétude de l'affirmation simpliste ainsi délivrée.
Une telle communication est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. La décision d'achat du produit par les consommateurs est susceptible d'être altérée par la mise en exergue sans réserve de l'efficacité sur la perte importante de calories de ce produit par sa seule consommation en laissant croire en l'absence de nécessité de lier cet usage, pour atteindre les effets annoncés, à une alimentation saine et une activité physique régulière.

Au regard de ces éléments, ces seules pratiques ont été qualifiées de trompeuses par les juges d'appel. Elles constituent dès lors un trouble manifestement illicite. En outre, ces pratiques n'ayant pas cessé au jour du jugement, elles caractérisent aussi un dommage imminent.
Pour apprécier le préjudice apporté à l'intérêt collectif des consommateurs par cette pratique commerciale trompeuse, les juges d'appel ont relevé des ventes du produit X sur une période de 10 mois de plus de 100 000 unités. De telles ventes laissent augurer un chiffre d'affaires, pour un produit vendu au client entre 34 et 39 €, supérieur à 3 millions d'euros.

La Cour d'appel de Paris a donc confirmé l'ordonnance rendue le 15 novembre 2018. Aussi, il est ordonné à la société la cessation provisoire de la commercialisation du complément alimentaire X dans son état actuel jusqu'à l'insertion d'un message rappelant la nécessité de compléter l'absorption de ce produit par une alimentation saine et la pratique régulière d'une activité physique. La modification de l'ensemble des supports de présentation, de commercialisation et de publicité du produit est également ordonnée afin d'y insérer un message rappelant la nécessité de compléter l'absorption de ce produit par une alimentation saine et la pratique régulière d'une activité physique. Une astreinte de 100 € par infraction constatée est prononcée.

De plus, la Cour d'appel de Paris a condamné la société à payer à l'association de consommateurs CLCV une provision de 100 000 € au titre de l'indemnisation à valoir sur le préjudice d'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs, une provision de 50 000 € au titre de l'indemnisation à valoir sur le préjudice associatif et la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, soit des montants sensiblement supérieurs à ceux prononcés en première instance.

Voir aussi Le Lamy Dehove sur Lamydroitalimentaire.fr, études 281, 285 et 276.
 
Source : Actualités du droit