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Projet de loi économie circulaire : quand les sénateurs font le tri

Environnement & qualité - Environnement
Public - Environnement
01/10/2019
L’examen du projet de loi par les sénateurs s’est terminé le 27 septembre. Déjà très vocaux sur leur opposition à de nombreux points du projet de loi, les sénateurs ont voté plusieurs amendements le modifiant.
La consigne : réemploi et réutilisation uniquement

On peut tout d’abord évoquer la disparition prévisible des consignes pour le recyclage plastique, compte tenu du vif débat qu’elles avaient suscitées (v. Loi économie circulaire : le Sénat refuse de suivre les consignes du gouvernement, Actualités du droit, 19 septembre 2019). Le texte prévoit finalement de se recentrer uniquement sur les consignes pour le réemploi et la réutilisation. Le Sénat a également ajouté l’emploi d’emballages réutilisables consignés pour les boissons sans alcool et les bières. Il a aussi inclus l’impossibilité d’effectuer des offres promotionnelles ou des réductions sur le montant des consignes, afin de protéger les petites enseignes. Lié à cela, le remboursement de la consigne se fera uniquement en numéraire, et non pas en bons d’achat qui risqueraient de rendre le consommateur captif de certaines enseignes.
Autre point important concernant la consigne, le projet prévoit que « les produits consignés collectés par le service public de gestion des déchets et retournés aux producteurs ou à l’organisme organisateur de la consigne sont repris par ces derniers. En retour, le montant correspondant à la consigne acquittée à l’achat de ces produits retournés est versé en intégralité à la collectivité territoriale chargée dudit service public par les producteurs ou l’organisme (...) ». Concrètement, cela signifie qu’il y aurait une indemnisation des collectivités pour la collecte d’une partie des emballages consignés. Ainsi, la perte financière que les sénateurs redoutaient avec la mise en place des consignes de recyclage du plastique n’est plus un risque, puisque les collectivités pourraient percevoir « près de 250 millions d’euros ».
Enfin, la consigne devra faire l’objet d’un bilan environnemental global positif. L’objet de cet amendement (n° 728, 727, 726) fait explicitement référence au transport des contenants, surtout lorsque ces véhicules voyagent à vide, ajoutant à cela le nettoyage et le traitement de ces contenants. Trouver un équilibre entre consigne et impact environnemental, notamment émissions de gaz à effet de serre, est donc désormais inscrit dans le projet.
 
De nouveaux objectifs chiffrés et l’information des consommateurs

Alors que le gouvernement avait « assoupli » l’objectif d’origine de 100 % de plastiques recyclés par l’expression « tendre vers», les sénateurs ont choisi de revenir au terme « atteindre » et cela d’ici 2025. S’ajoute également la réduction de 50 % de mise sur le marché de plastique à usage unique en 2030 et de 50 % supplémentaire par rapport à cette date en 2040. L’objectif clairement affiché ici est la disparition du plastique à base de pétrole d’ici 2040.
Par ailleurs, deux amendements augmentent l'objectif de réduction de déchets qiu passe désormais à -15 % de déchets ménagers et assimilés par habitant en 2030, par rapport à 2020.
Tous ces amendements d’inscription des objectifs dans la loi ont un seul et même but : les rendre obligatoires et opposables.
Par ailleurs, alors que l’étiquetage des gestes de tri pour le verre a fait l’objet de critiques très acerbes de la part de nombreux sénateurs, ces derniers sont tombés d’accord sur la modification de certaines dispositions concernant l’affichage/le marquage environnemental. Parmi les nouveautés, la possibilité de dématérialiser ces informations et le signalement d’emballages supplémentaires, en plus de l’emballage primaire (afin de lutter contre le suremballage). Pour autant, les sénateurs ont renvoyé la définition des modalités pratiques de ces dispositions au gouvernement, par voie de décret.

Sanction de la destruction des invendus

La loi économie circulaire poursuit la démarche entreprise par les lois « Garot » (L. n° 2016-138,11 fév. 2016, JO 12 fév.) et « Egalim » (L. n° 2018-938 du 30 oct. 2018, JO 1er nov.) pour l’interdiction de la destruction des invendus alimentaires . Elle prévoit, cette fois-ci, l’interdiction de destruction des invendus non alimentaires. Concrètement, est créée une obligation de réemploi, de réutilisation ou de recyclage des invendus de produits neufs (exception faite des produits non réutilisables pour des raisons de santé ou de sécurité précisées par décret). Il n’était cependant pas précisé quels seraient les contrôles et les sanctions applicables en cas de non-respect des nouvelles dispositions. Le Sénat est venu remédier à cela par un premier amendement : « Tout manquement est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ». Puis, un second amendement est venu rajouter que la sanction sera publiée au frais de la personne condamnée. Pour rappel, l’étude d’impact du projet de loi faisait état d’une destruction presque systématique des invendus non alimentaires, où sur les 800 millions d’euros de produits invendus, environ 630 millions d’euros étaient détruits.
En outre, le Sénat a ajouté quelques dispositions concernant la lutte contre le gaspillage alimentaire avec des sanctions plus sévères. L’amende forfaitaire pour la destruction d’invendus est ainsi passée à 10 000 euros contre 3 750. Les professionnels vendant sur les marchés vont désormais être dans l’obligation de proposer aux associations caritatives leurs invendus, encore propres à la consommation (c’était déjà le cas pour les grandes surfaces).

Obsolescence programmée numérique

Une autre disposition concerne l’obsolescence programmée des logiciels. Un amendement du Sénat prévoit que : « Les fabricants de téléphones mobiles et de tablettes tactiles sont tenus de proposer à leurs clients des mises à jour correctives du système d’exploitation utilisé par leurs appareils compatibles avec tous les modèles de leur gamme jusqu’à dix ans après leur mise sur le marché. (…) Le non-respect de la présente obligation est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros ». Cet amendement devrait donc encourager l’utilisation des appareils électroniques jusqu’à 10 ans, contre les 2 ans actuellement (ADEME).
La première lecture à l’Assemblée Nationale a commencé le 30 septembre.
 
Source : Actualités du droit