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Fiscalité environnementale : garder la taxe, car bonne

Environnement & qualité - Environnement
03/10/2019
En 2018, la fiscalité environnementale s’élevait à 56 milliards d’euros et représentait environ 46 instruments fiscaux soit moins de 5 % des instruments disponibles. Par un nouveau rapport, le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de la Cour des comptes est venu rafraîchir la fiscalité environnementale en émettant des recommandations, surtout sur l’acceptabilité de la taxe carbone, un des éléments déclencheurs du mouvement des gilets jaunes.
 
État des lieux de la fiscalité environnementale et de son impact

Le rapport fait d’abord état de l’avancée de la fiscalité environnementale en France et de ses engagements sur le sujet, tout en soulignant qu’ils ne sont pas suffisants, en s’appuyant notamment sur le premier rapport du Haut Conseil pour le climat (v. Rapport du Haut Conseil pour le Climat : la France peut mieux faire ! Actualités du droit, 1er juillet 2019).
Le rapport souligne que « le but de la fiscalité environnementale est (…) d’inciter les agents économiques à adopter de nouveaux comportements de consommation ou de production ».
Pour autant, cette fiscalité peut aussi être vecteur d’une rupture d’égalité notamment pour les particuliers les plus modestes. Alors qu’en 2014, au moment de la mise en place de la taxe, il n’y avait pas eu de réelles mobilisations à son encontre, la hausse des prix du baril en 2018 a fait exploser certaines factures énergétiques (+28 % pour le fioul domestique, +22 % pour le gaz naturel, +21 % pour le diesel, +13 % pour l'essence). Autre facteur aggravant, suivant la trajectoire prévue par la loi de finances en 2018, l’augmentation de la taxe a finalement été plus loin et plus vite que prévu. Tous ces éléments ont eu un impact sur la situation de nombreux particuliers, notamment ceux dépendants de la voiture dans leur vie quotidienne.
Le rapport souligne cependant que « les objectifs climatiques de la France sont inatteignables sans changements significatifs de comportement».

Pour rappel, à l'heure actuelle, la taxe carbone est intégrée à la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

La fiscalité carbone vise aussi à décourager l’usage des énergies fossiles et à créer des « effets de substitution ». Le rapport donne l’exemple de l’isolation thermique des bâtiments ou encore le renouvellement de la flotte automobile. Pour autant, une augmentation de la composante carbone dans le système des prélèvements obligatoires ne signifie pas nécessairement une augmentation de ces prélèvements. Le rapport envisage même un impact positif sur le niveau du PIB avec un « recyclage des recettes » par la baisse d’autres prélèvements ou le financement de mécanismes de compensation.
Les experts du conseil mettent cependant en garde contre le phénomène des « fuites carbone », que le rapport définit comme l’accroissement des émissions de carbone liées aux importations notamment par la délocalisation d’industries très émettrices vers des pays moins régulés. À titre d’exemple, l’empreinte carbone de la France est 1,7 fois plus importante que les émissions nationales, exportations comprises.
Un état des lieux de la situation des ménages et des entreprises est également réalisé. Il est sans appel : les ménages modestes ruraux et péri-urbains sont les plus impactés par la fiscalité énergétique. La réallocation des ressources de la fiscalité carbone des entreprises est limitée par l’érosion déjà en cours de son assiette. C’est-à-dire que du fait de la diminution de la consommation des produits carbonés, l’assiette de la taxe rétrécit. Cette partie du rapport se termine sur le constat suivant : « Seule une tarification supérieure permettrait de dégager des recettes supplémentaires par rapport au niveau de 2019 ».

Recommandations du CPO

Pour remédier à ces phénomènes, le CPO effectue plusieurs recommandations, surtout orientées vers une meilleure acceptabilité de la fiscalité carbone. Il faudrait ainsi :
  • augmenter la fiscalité carbone en l’inscrivant dans une trajectoire cohérente avec les objectifs environnementaux et en élargissant son assiette (suppression ou réduction des exonérations, remboursements et taux réduits) ;
  • dissocier davantage la fiscalité carbone des autres instruments de la fiscalité énergétique et assurer une meilleure articulation de cette fiscalité carbone avec les outils de la politique environnementale existants ;
  • associer des mécanismes de compensations pour les personnes les plus affectées, surtout les plus vulnérables ;
  • faire preuve de plus de transparence dans l’utilisation des recettes ;
  • s’aligner et soutenir les initiatives européennes et internationales de diminution des émissions.
Source : Actualités du droit