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Identité de genre : première condamnation pour injure publique

Pénal - Droit pénal général
Civil - Personnes et famille/patrimoine
23/01/2020
Pour la première fois, la Cour de cassation s’est penchée sur des injures publiques envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Le 31 janvier 2017, un homme publie sur son compte Twitter ce message : « Transgenres. Les malheureux qui veulent changer de sexe sont des vicieux et des malades qui relèvent de la psychiatrie ». Il est cité devant le tribunal correctionnel du chef d’injure publique en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre sur le fondement de l’article 33, alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881.
 
Condamné à 1 000 euros d’amende, l’auteur du tweet interjette appel, ainsi que le Ministère public sur la peine. Les juges du second degré confirment le jugement estimant que « le propos vise bien un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre, et que, si les qualificatifs de "malheureux" et de "malades qui relèvent de la psychiatrie", en ce qu’ils font référence au malheur ou à la maladie – physique ou mentale, ne peuvent être considérés comme outrageants ou méprisants, il en va autrement du terme "vicieux", outrageant en ce qu'il signifie dépravé, immoral, pervers et se dit de personnes ayant un comportement réprouvé par le sentiment moral collectif ».
 
Un pourvoi est formé par l’intéressé. Il conteste le caractère outrageant de « vicieux », estimant que, pour lui, la phrase n’a pas été replacée dans son contexte. Le terme « vice » aurait dû être apprécié au sens médical du terme, soit non injurieux.
 
La Cour de cassation (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 19-80.796) décide néanmoins de rejeter le pourvoi, et précise que « la cour d’appel, qui a, à bon droit, écarté, au regard de la tonalité de l’ensemble du message, tout sens prétendument médical au terme litigieux et a exactement retenu le caractère injurieux d’un qualificatif outrageant à l’égard des personnes transgenres, qu’il atteint dans leur identité de genre, a fait l’exacte application des textes visés au moyen ».
 
Pour mémoire, les termes « identité sexuelle », introduits par la loi de 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté (L. n° 2017-86, 27 janv. 2017, JO 28 janv.), avaient fait l’objet d’une polémique.
 
En effet, l’article 170 prévoyait la modification des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et le Code pénal. Les mots « identité sexuelle » ont été remplacés par « orientation sexuelle ou identité de genre » au sein des articles 24, 32, 33 et 48-4 de la loi. Néanmoins, saisi par plus de soixante sénateurs et soixante députés arguant que la notion ferait l’objet de controverses et serait trop imprécise, le Conseil constitutionnel dû trancher (Cons. const., 26 janv. 2017, n° 2016-745 DC).
 
Les Sages avaient retenu que les termes étaient suffisamment clairs et précis pour respecter le principe de légalité. Et précisaient qu’en ayant recours à cette notion, le législateur avait entendu viser le genre auquel s’identifie une personne, qu’il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l’état civil ou aux différentes expressions de l’appartenance au sexe masculin ou au sexe féminin.
 
Cet arrêt est la première application de ces nouvelles dispositions par la Chambre criminelle.
Source : Actualités du droit